ux Jeux de Turin, en 2006, l'équipe suisse de hockey avait créé la surprise en battant deux favoris, les Canadiens et les Tchèques. Animé par Mark Streit, Martin Gerber et l'étonnant Paul DiPietro, le «miracle suisse» avait suscité un vif enthousiasme dans ce petit pays alpin où le hockey est l'un des sports les plus populaires.

Quatre ans plus tard, à l'exception de quelques gardiens et de Streit, les Helvètes éprouvent toutes sortes de difficulté à percer dans la LNH. Le meilleur attaquant du pays, Andrès Ambuhl, a été pressenti par plusieurs équipes nord-américaines, l'été dernier, au terme de son contrat avec le HC Davos. Même le Canadien a été sur le coup.

Le joueur de 26 ans a opté pour les Rangers de New York... qui l'ont rapidement cédé à leur filiale de la Ligue américaine, à Hartford, sans même lui avoir laissé jouer un seul match préparatoire. «Je suis prêt à passer quelques temps dans les ligues mineures, a affirmé Ambuhl, la semaine dernière. Je dois m'adapter au style de jeu nord-américain, m'habituer au style de vie aussi.»

Pour l'instant, il n'a rien cassé à Hartford, perpétuant une tradition qui veut que les attaquants suisses ne soient pas assez «physiques» pour notre hockey.

Repêchés en première ronde à la fin des années 1990, Michel Riesen (Edmonton, 1997) et Luca Cereda (Toronto, 1999) avaient été surnommés les «Swiss Miss» ...

Habitués au confort

Selon Streit, les joueurs de talent sont pourtant nombreux en Suisse. «Mais c'est très difficile de les amener à quitter le pays une fois qu'ils ont commencé leur carrière professionnelle», explique le défenseur étoile des Islanders de New York.

«La Ligue suisse est l'une des meilleures en Europe. Les joueurs y sont bien payés, évoluent dans des conditions confortables avec peu de matchs, de courts voyages et la possibilité de dormir à la maison tous les soirs. C'est difficile de laisser cela pour aller jouer dans la Ligue américaine...»

Selon Emmanuel Favre, journaliste au quotidien Le Matin, la Ligue A de Suisse est actuellement au deuxième rang des plus riches d'Europe, après celle de Russie.

«Les joueurs font facilement des salaires de 500 000$ par saison, avec plusieurs avantages (logements, voitures, etc.) et la possibilité de vivre dans un environnement souvent idyllique, explique Favre.

«Les expériences malheureuses de Riesen, Cereda et de quelques autres en ont découragé plusieurs de tenter l'aventure. Quelques bons joueurs juniors ont décidé d'aller jouer en Amérique du Nord depuis quelques années, mais ils sont encore peu nombreux.»

Pas de surprise cette fois

Streit estime que les meilleurs jeunes joueurs n'ont pourtant pas le choix s'ils veulent accéder au niveau supérieur. «Le hockey suisse ne progressera pas tant que nos joueurs ne seront pas plus nombreux en Amérique du Nord. Il faudrait qu'il y en ait au moins une trentaine pour que cela ait un impact véritable sur le niveau collectif», soutient Streit.

«Nous avons surpris les Canadiens et les Tchèques, en 2006, et c'est vrai que les Suisses (septièmes au monde derrière le traditionnel top 6) peuvent battre n'importe quelle équipe lors d'une bonne journée, note le défenseur. Mais si nous jouons 10 matchs contre l'une de ces équipes, nous les perdrons presque tous.

«Ce sera difficile de surprendre encore un favori aux Jeux de Vancouver. Les Canadiens vont nous attendre après ce qu'on leur a fait la dernière fois...»

L'entraîneur-chef, Ralph Krueger, qui quittera son poste à la fin de la saison, sera sous pression lors des Jeux. «L'objectif est d'atteindre les quarts de finale, a-t-il posé d'entrée, la semaine dernière, en entrevue téléphonique. Nous avons un groupe corsé avec le Canada, les États-Unis et la Norvège. Nous pourrions passer comme meilleurs troisièmes, mais ce sera difficile.»

Outre Streit, Krueger pourra miser sur le gardien Jonas Hiller et le défenseur Luca Sbisa, des Ducks d'Anaheim, sur Ambuhl et peut-être sur Yannick Weber, du Canadien, qu'il n'est pas certain de sélectionner. L'essentiel de sa formation évolue en Suisse et 33 joueurs ont été réunis à Wintertur, la semaine dernière, pour un premier camp de préparation olympique.

En principe, Krueger dirigera l'équipe jusqu'aux mondiaux de hockey, en mai. Les dirigeants de Hockey Suisse ont toutefois averti qu'il pourrait être viré après les Jeux si ses joueurs n'atteignent pas les quarts de finale.