Tous les gardiens, présents et passés, de la Ligue nationale de hockey, ont une histoire à raconter à propos des masques portés durant leur carrière. Voici quelques témoignages glanés par La Presse.

Si Jacques Plante a ouvert un chapitre de l'histoire de la LNH le soir du 1er novembre 1959, c'est le gardien Andy Brown, des Penguins de Pittsburgh, qui l'a fermé moins de 15 ans plus tard, le dimanche 7 avril 1974.

Ce soir-là, juste avant le début des séries éliminatoires, les Penguins affrontent les Flames d'Atlanta. Ces derniers remportent la victoire, 6-3. Avec leurs 30 victoires et 74 points en 78 matchs, les Flames terminent au quatrième rang de la division Ouest (devant les Penguins, 5e avec 65 points) et se taillent une place en séries. Ils seront éliminés au premier tour par les Flyers de Philadelphie, qui remporteront la Coupe Stanley quelques semaines plus tard.

Joueur de hockey professionnel depuis le milieu des années 1960, Brown connaît un parcours chaotique, bourlinguant d'une ligue à l'autre. Au sein de la LNH, il participe à seulement 62 matchs en saison régulière, avec les Red Wings de Detroit et les Penguins. La rencontre du 7 avril 1974 est d'ailleurs sa dernière au sein de la grande ligue.

À l'époque, Brown portait un masque durant les entraînements de son équipe mais travaillait à visage découvert lors des rencontres, arguant que le port du masque réduisait son champ de vision.

Après la saison 1973-1974, il joint les rangs de Racers d'Indianapolis dans l'AMH où il joue encore trois saisons. Sans masque!

L'entraîneur des Racers était alors Jacques Demers. «Andy était fier de jouer sans masque, s'est souvenu M. Demers au cours d'une entrevue téléphonique avec La Presse. Il était assez macho, kamikaze. Il aimait, je me rappelle, les voitures de course. Je le trouvais bien courageux mais il disait qu'il se sentait plus confortable de jouer ainsi.»

Fils de l'ancien hockeyeur Adam Brown, qui avait obtenu une passe sur le premier but de Gordie Howe dans la LNH, Andy Brown a aussi marqué la saison 1973-1974 d'une autre façon. Il a terminé l'année avec 60 minutes de pénalités, devenant le gardien le plus puni de l'histoire de la LNH. C'était évidemment avant l'arrivée de Ron Hextall!

ROGATIEN VACHON

Lorsqu'il était adolescent, dans son village natal de Palmarolle en Abitibi, Rogatien Vachon jouait comme gardien de but dans une ligue inter-villages formée d'adultes. «La plupart des joueurs étaient des fermiers, se rappelle l'ancien gardien du Canadien, joint à Los Angeles. Je ne portais pas de masque. Lorsque je suis arrivé avec le Canadien junior, j'avais 16 ans et n'en portais pas non plus. C'est seulement deux ou trois ans après mon arrivée dans la LNH (1966-1967) que j'ai commencé à en porter un.»

Le masque avait ses avantages et ses inconvénients. «Au début, c'était un peu difficile, reconnaît M. Vachon. On faisait un masque en fibre de verre avec un moule. Mais il n'y avait aucun coussin; on le portait directement sur la figure. Alors, des fois, quand on se faisait frapper au visage, ça sonnait!» dit-il en riant.

Selon lui, le port du masque s'est d'abord imposé dans les entraînements où les risques de blessures étaient plus élevés que durant les parties. «Si on n'avait pas de masque et qu'on s'entraînait durant deux heures, il y avait des chances de se faire frapper dans le front.»

M. Vachon a donné son premier masque au Temple de la renommée du hockey, à Toronto.

STÉPHANE FISET

Avant de terminer sa carrière avec le Canadien de Montréal, Stéphane Fiset a joué avec trois clubs de la LNH: les Nordiques de Québec, l'Avalanche du Colorado, avec qui il a gagné la Coupe Stanley de 1996, et les Kings de Los Angeles. Au début, avec le club de Québec, Fiset portait un masque tout blanc. Puis un amateur lui a envoyé un dessin qui est devenu un masque bien particulier: l'Igloo.

On y voyait en effet le sigle des Nordiques de Québec sortant à toute vitesse d'un igloo, à la hauteur du front du gardien.

«C'est un fan de Trois-Rivières, un M. Bergeron je crois, qui m'avait envoyé ce dessin-là par courrier, se rappelle Fiset, devenu agent de joueurs. Quand on est un joueur professionnel, on reçoit beaucoup de courrier des amateurs. Quand j'ai vu le dessin, j'ai contacté l'auteur pour lui demander la permission de pouvoir faire ce masque-là. Il était super content.»

Dans son souvenir, une revue de hockey avait classé l'Igloo au deuxième rang des plus beaux masques de la LNH, derrière celui d'Ed Belfour (un aigle) des Blackhawks de Chicago.

Lorsqu'il a débuté dans les rangs juniors avec les Tigres de Victoriaville, Fiset portait un casque avec une grille, mais il a laissé tomber après avoir reçu une rondelle au visage. Sous l'impact, le grillage s'est brisé et il a subi une coupure au-dessus d'un oeil.

Fiset conserve précieusement ses masques portés avec les Nordiques, l'Avalanche et les Kings. «Les masques représentent vraiment beaucoup de choses pour un gardien de but, dit-il. C'est la pièce d'équipement la plus importante pour moi. Je ne serai jamais capable de m'en débarrasser.»

KEN DRYDEN

Ken Dryden avait 12 ans, en 1959, lorsque Jacques Plante a porté son masque pour la première fois. «J'étais gardien de but pour l'équipe bantam de Humber Valley, en Ontario. Je ne portais pas de masque. J'ai commencé à le faire à l'Université Cornell. À ce moment-là, c'était obligatoire de porter un masque à l'université», raconte M. Dryden, joint à son bureau de député.

C'est d'ailleurs à Cornell qu'il a commencé à porter le premier masque qu'on lui a connu avec le Canadien, celui de style pretzel.

«Dans les 20 premières années, les masques n'ont pas beaucoup changé, raconte-t-il. C'étaient des masques de fibre de verre, qui étaient collés au visage, sans autre protection. Au moins, ils distribuaient la force d'un impact. Les Européens ont commencé à porter un casque avec la cage, comme un receveur de baseball. Mais ils n'avaient pas bonne réputation. Donc, leurs masques nous laissaient indifférents. Vladislav Tretiak a changé cette impression sauf que les problèmes de vision étaient les mêmes car on voyait les tiges de la cage.»

Ken Dryden se souvient d'avoir perdu deux fois son masque lors de rencontres de la LNH. Loin de paniquer, il en garde un souvenir de douce euphorie. «Je me souviens de la sensation, tellement différente, raconte-t-il avec un étonnement encore évident dans la voix. Une fois, c'était dans un match contre les Bruins de Boston. Je sentais de la fraîcheur, je me sentais si libre. Bon, le résultat a été que les Bruins ont compté un but mais durant quelques instants, j'ai eu un sentiment de libération», raconte-t-il en riant.

CAREY PRICE

Exit le fameux masque de l'an dernier (photo) avec les chanteurs country Garth Brooks et George Strait sur les côtés.

Le numéro 31 du Canadien porte cette année un nouveau masque créé par l'artiste torontois David Arrigo. On y voit la Grande Faucheuse assise sur la selle d'une motocyclette Harley-Davidson et six as de pique.

«Nous avons ébauché une série d'idées et vous avez maintenant le produit fini, dit Price. C'est mon quatrième masque depuis que je suis avec le Canadien et je trouve qu'ils se sont toujours améliorés. La qualité des dessins s'améliore continuellement.»

Le 4 décembre prochain, contre les Bruins de Boston, Price portera aussi un masque spécial, avec les dessins de Gump Worsley et Ken Dryden sur les côtés, quelques numéros d'anciens joueurs et le logo du centenaire du CH sur le menton.

Or, dans une article publié le 17 septembre dernier dans le quotidien The Gazette, on apprenait que ce n'est pas Dryden mais Jacques Plante qui devait être dessiné sur le côté droit du masque. On avait acheminé la mauvaise photo à David Arrigo.

Quand il était plus jeune, le paternel du gardien natif de la Colombie-Britannique a conçu plusieurs de ses masques. «Mon père a toujours conçu ses propres masques de toutes pièces, dit-il. C'est lui qui a confectionné mes premiers, mais lorsque j'ai joint des équipes fédérées, j'ai dû cesser de les utiliser parce qu'ils n'étaient plus conformes. Ils étaient pourtant tous aussi bons et sécuritaires que ceux qui affichaient un sceau d'approbation.»

DAVE DRYDEN

Le frère de Ken Dryden partage avec l'ex-numéro 29 du Canadien un record bien spécial. Le 20 mars 1971, ils ont joué l'un contre l'autre à l'occasion d'un match entre le Canadien et les Sabres de Buffalo. C'est, encore aujourd'hui, le seul match de l'histoire de la LNH où deux frères, gardiens de but, se sont fait face.

Mais Dave Dryden s'est aussi illustré d'une autre façon dans son sport. Les gardiens de la LNH lui doivent l'innovation du protecteur hybride, alliant le masque de fibre de verre et le grillage porté par les gardiens de but européens.

«Les Européens portaient un protecteur qui était une combinaison entre un casque complet et un grillage, se souvient Dryden, joint chez lui à Oakville, en Ontario. Je me suis dit: Pourquoi ne pas couper la partie avant du masque de fibre de verre et y attacher une grille? Plusieurs autres gardiens ont suivi mon exemple. Et c'est ainsi qu'est née la combinaison que l'on connaît aujourd'hui», raconte-t-il avec un mélange d'humilité et de fierté.

Dryden affiche beaucoup de respect pour Jacques Plante, un homme qu'il qualifie de génie. Or, il a eu l'occasion de le croiser au début du camp d'entraînement des Oilers d'Edmonton de 1975-1976. Dryden arrivait avec cette équipe de l'AMH alors que Plante était sur le point de la quitter. «Nous nous sommes croisés au camp d'entraînement, se souvient-il, nostalgique. Un jour, nous avons eu l'occasion de discuter longuement. Et le lendemain, Jacques était parti.»

Février 1927

Elizabeth Graham, gardienne de but de l'équipe féminine de l'Université Queen's, porte un masque d'escrime à l'occasion d'un match.

20 février 1930

À son retour d'une blessure au visage, Clint Benedict, des Maroons de Montréal, porte un masque de cuir.

Février 1932

Aux 3es Jeux olympiques d'hiver (Lake Placid), le gardien de l'équipe américaine de hockey, Franklin Farrell, porte un masque des plus rudimentaires pour protéger ses lunettes.

Février 1936

Le gardien de but de l'équipe olympique japonaise de hockey, Teiji Honma, porte un masque qui ressemble à celui d'un receveur de baseball à l'occasion des 4es Jeux d'hiver à Garmisch-Partenkirchen.

1er novembre 1959

Dans un match contre les Rangers de New York, Jacques Plante est blessé au visage. Il revient dans la partie le visage recouvert d'un masque de fibre de verre.

8 mars 1960

Après avoir disputé 18 parties avec son masque sans subir la défaite, Jacques Plante subit un revers (3-0) dans une rencontre entre le Canadien et les Red Wings de Detroit. Or, à la demande de Toe Blake, Plante avait disputé cette rencontre sans son masque. Ce sera la dernière.

7 avril 1974

Le gardien Andy Brown, des Penguins de Pittsburgh, devient le dernier gardien de but à disputer un match de la LNH à visage découvert. Son équipe perd la rencontre 6-3 face aux Flames d'Atlanta.