Si la décision de GM de garder Opel déçoit Magna International, le marché, lui, semble plutôt content.

L'action de Magna a grimpé de 10% pour clôturer à 47,34$ à la Bourse de Toronto hier.

«Il y a probablement une certaine déception chez les dirigeants de Magna, c'était probablement un bon coup, a déclaré Christian Navarre, spécialiste de l'industrie automobile à l'École de gestion de l'Université d'Ottawa. Mais c'est aussi une sortie en beauté d'une situation qui allait être assez difficile. En effet, Magna prenait le risque de mécontenter ses clients en devenant elle-même productrice d'automobile.»

Il a rappelé que Volkswagen avait menacé de ne plus acheter de pièces de Magna si celle-ci devait devenir propriétaire d'Opel. Magna avait essayé de rassurer ses clients en affirmant qu'elle dresserait un véritable mur coupe-feu entre Opel et ses activités de productions de pièces.

«Ce mur coupe-feu, je n'y croyais pas beaucoup», a indiqué M. Navarre.

Il a ajouté que si Magna avait de l'expertise en ce qui concerne la conception et la fabrication, elle n'en avait aucune quant à la distribution de masse.

«Même en engageant des gens compétents, il n'y avait pas cette tradition, cette culture d'entreprise, a-t-il affirmé. C'était le grand écueil de Magna.»

Dans une entrevue au Globe and Mail, le grand patron de Magna, Frank Stronach, s'est montré philosophe.

«La vie continue, a-t-il déclaré mardi. Vous acceptez ce qui vous arrive, vous continuez et vous cherchez d'autres occasions. Ce n'est pas à nous de critiquer un client.»

General Motors est le plus important client de Magna.

M. Navarre a affirmé que le manufacturier de pièces n'avait rien perdu dans l'aventure, au contraire.

«Son image de joueur important s'est renforcée», a-t-il soutenu.

Il a ajouté que d'autres occasions pourraient se présenter. Avec l'expertise acquise au cours des derniers mois, Magna pourrait regarder du côté d'autres constructeurs d'automobiles. Mais elle pourrait aussi cibler des fabricants de pièces.

«Il y a beaucoup de fournisseurs de pièces et de composants qui vont difficilement passer à travers la crise, a affirmé M. Navarre. Il y aura probablement une consolidation de l'industrie et Magna est bien positionnée pour en profiter.»

Il a ajouté que l'industrie de l'automobile finira bien par connaître une reprise. Les grands manufacturiers ont basé leurs plans sur un marché de 10 millions de véhicules par an aux États-Unis. Il s'attend à ce que ce marché grimpe à 13 ou 14 millions de véhicules.

«Le jour où nous passerons à 13 millions, les compagnies gagneront beaucoup d'argent et vont rouvrir des usines, a-t-il prédit. En tant que fournisseur, Magna va retrouver une activité bien plus intéressante que maintenant.»

Le président des Travailleurs canadiens de l'automobile, Ken Lewenza, s'est montré moins positif.

«C'est l'incertitude qui est difficile pour les travailleurs, a-t-il déclaré en entrevue téléphonique avec La Presse Affaires. Les travailleurs d'Opel subissent déjà un énorme stress émotionnel avec la restructuration en cours. L'entente entre GM et Magna aurait dû être complétée il y a quelques semaines, et là, elle est annulée.»

Il a ajouté que cette situation démontrait toute l'inconsistance et l'indécision de GM.

M. Navarre a plutôt rappelé que dès le début, GM avait montré une préférence envers une offre présentée par le fonds d'investissement belge RHJ International, qui lui permettait de racheter ultérieurement la part acquise par le fonds et de redevenir propriétaire d'Opel.

Il a toutefois fait valoir que GM n'aura pas la partie facile avec Opel. Les syndicats, qui favorisaient l'offre de Magna comme une partie de la classe politique allemande, sont toujours en place.

«GM devra négocier avec les gouvernements et les syndicats, dans un contexte de déception, a affirmé M. Navarre. Ce n'est pas nécessairement gagné d'avance.»