Après des gains en août et en septembre, la création d'emplois a-t-elle continué sa progression en octobre au pays? On le saura demain quand Statistique Canada dévoilera des chiffres forts attendus. Si la plupart des économistes s'attendent à du positif, un plongeon dans le rouge est loin d'être exclu. Mais au-delà de la quantité d'emplois, certains s'interrogent maintenant... sur leur qualité.

C'est la grosse donnée attendue cette semaine: après avoir perdu 273 000 emplois au cours des 3 premiers mois de l'année, puis 13 000 lors des trois suivants, le Canada aura-t-il réussi à créer du travail en octobre pour le troisième mois consécutif?

À cette question, la plupart des économistes répondent par «oui».

Les spécialistes prédisent en moyenne qu'il s'est créé 10 000 emplois au pays en octobre. Ce serait un gain plus faible que ceux d'août (27 000 emplois) et de septembre (31 000), mais un gain quand même. Et un troisième de suite, une chose qu'on n'aurait pas vue depuis un an.

Mais même les plus optimistes - comme Yanick Desnoyers, à la Banque Nationale, qui prédit un gain de 20 000 emplois - n'osent pas parier leur chemise là-dessus.

«On peut se tromper. On ne juge pas l'économie sur une seule statistique», avertit-il.

M. Desnoyers reste cependant convaincu que la reprise est bel et bien en cours au pays, que c'est ce qui compte ultimement pour les travailleurs mis à pied qui cognent actuellement aux portes des employeurs. Quand le PIB croît, l'emploi finit par suivre, dit M. Desnoyers, citant une formule édictée par Arthur Okun, ancien conseiller économique du président Kennedy.

Sébastien Lavoie, économiste à la Banque Laurentienne, n'en est pas si sûr. Lui prédit une création d'emplois nulle en octobre au Canada - «un gros zéro!».

«Je pense que le chômage va continuer d'augmenter d'ici la fin de l'année et qu'on aura un retournement quelque part en 2010. C'est seulement une fois que les entreprises seront convaincues de la durabilité de la reprise qu'on verra une vague d'embauches.»

Selon lui, ce point n'est pas encore atteint. Il soupçonne que les «créations» d'emplois des derniers mois sont en fait des travailleurs qu'on avait mis à pied et qu'on réembauche, et attend toujours la «vraie» création d'emplois.

Le Québec, la boîte de Pandore

Au Mouvement Desjardins, l'économiste Joëlle Noreau s'intéresse particulièrement à la situation du Québec. Et avoue ne pas trop savoir à quel genre de chiffres s'attendre demain.

On le sait, le Québec a été relativement moins touché que les autres grandes provinces canadiennes par la récession. Mais contrairement à l'ensemble du pays, la province a perdu des emplois en septembre (-3500), après un gain en août ("8300) et une perte significative en juillet (-37 100).

«On joue vraiment au yoyo depuis trois mois, il y a beaucoup de volatilité», dit Mme Noreau.

Son calepin renferme les mauvaises nouvelles du mois de septembre. Licenciement de 99 travailleurs à la fonderie Bibby Sainte-Croix, dans Lotbinière; fermeture de trois scieries de Kruger qui a poussé 450 employés au chômage; fermeture de l'usine de bois d'oeuvre Barrettewood de Saint-Nicolas, près de Québec, qui a mis 120 travailleurs supplémentaires à la rue.

Les embauches parviendront-ils à effacer ces pertes? «J'ai l'impression qu'on va être autour du zéro, mais on n'est pas à l'abri d'une surprise», dit Mme Noreau.

«D'une semaine à l'autre, on a de bonnes nouvelles, d'autres plus mitigées. Alors on va probablement voir ça arriver davantage en 2010», dit l'économiste en parlant d'une véritable reprise de l'emploi.

Quant aux États-Unis, dont les chiffres sur l'emploi sortiront aussi demain, les économistes tablent en moyenne sur des pertes de 175 000 emplois - des chiffres encourageants considérant que le pays a perdu en moyenne 645 000 emplois par mois entre novembre 2008 et avril 2009 et 307 000 par mois entre mai et septembre.

Inutile de mentionner qu'un chiffre qui s'écarte radicalement de cette prédiction risque de faire bouger les Bourses à la hausse... ou à la baisse.