Plus de quatre ans après avoir été accusés d'avoir fait de fausses déclarations en matière d'immigration et de statut de réfugié, l'avocat Jeffrey Nadler et le traducteur Ghulam Murtaza ont finalement appris qu'ils n'auront pas de procès. La semaine dernière, la Couronne a subitement annoncé qu'elle mettait fin aux poursuites.

Pourtant, Nadler, 43 ans, et Murtaza, 61 ans, avaient été incupés en 2008, au terme d'une minutieuse enquête préliminaire qui a duré deux ans. Le procès devait commencer en novembre.

Questionnée par La Presse sur les raisons qui ont entraîné l'arrêt du processus, la procureure de la Couronne, Marie-Ève Moore, a indiqué qu'elle n'avait pas à motiver cette décision. En conséquence, elle n'a pas voulu dire si cela avait un lien avec le fait que les avocats des accusés, Giuseppe Battista et Éric Sutton, s'apprêtaient à présenter une requête en arrêt de processus en raison des agissements des policiers de la GRC. Les avocats soutenaient entre autres choses que la GRC avait embauché un agent-source, le Pakistanais Mehmood Durani, pour l'aider à enquêter dans cette affaire, en sachant qu'il avait lui-même menti pour obtenir le statut de réfugié. Les avocats alléguaient aussi que les accusés avaient été piégés (entrapment) par la GRC.

Recrutement de l'agent-source

L'affaire a commencé en 2002, alors que la GRC devait enquêter sur des consultants en immigration aux pratiques abusives et illégales. Le cas Durani s'est présenté sur les entrefaites. Après avoir quitté le Pakistan en 1991, Durani avait vécu une dizaine d'années aux États-Unis mais n'avait pas réussi à obtenir le statut de réfugié. Sachant qu'un ordre d'expulsion avait été lancé contre lui, il était alors entré illégalement au Canada en 2002 et avait demandé l'asile sous de faux motifs. En juillet 2002, ayant appris qu'un certain Sud, consultant en immigration avec qui il faisait affaire, l'avait dénoncé à la GRC comme terroriste, Durani avait communiqué avec la GRC pour dire que c'était faux. Ce faisant, il avait parlé de son entrée illégale au Canada et de la façon dont on lui avait conseillé d'agir pour obtenir l'asile. Il a notamment parlé de Me Jeffrey Nadler, qui le représentait pour l'obtention du statut de réfugié. La GRC a offert à Durani de devenir agent-source dans son enquête, et Durani a accepté.

C'est ainsi que, dans le cours de l'enquête, entre février 2003 et février 2004, Durani a présenté un faux demandeur d'asile (en réalité un agent de la GRC) à Me Nadler ainsi qu'à d'autres personnes. Le faux réfugié, Rajendra Singh Chauhan, prétendait arriver du Pakistan et vouloir obtenir le statut de réfugié dans l'espoir de faire venir plus tard sa femme et ses enfants. Le but était d'avoir une vie meilleure, disait-il candidement.