George Cope vient de déplacer le dernier pion dans la partie d'échecs que se livrent les géants canadiens des télécoms.

Hier, le grand patron de Bell a profité de son discours devant le Cercle canadien de Montréal pour annoncer le lancement de son nouveau réseau sans fil, qui sera déployé au pays dès demain. Bell devance ainsi d'une journée son partenaire Telus, qui partagera le même réseau, mais qui l'inaugurera que jeudi.

«Le lancement de notre nouveau réseau (...) souligne le fait que l'équipe Bell continue d'exécuter nos impératifs stratégiques visant à accélérer le sans-fil au Canada», dit George Cope, président et chef de la direction de BCE.

Avec ce nouveau réseau permettant de télécharger des données sur son téléphone portable ou son ordinateur portable jusqu'à une vitesse de 21 mégabits par seconde (Mbits/s), Bell et Telus combleront l'écart les séparant de leur concurrent Rogers, qui fonctionne sur une base de 21 Mbits/s depuis un an et demi. Auparavant, Bell et Telus se voyaient limités à 10 Mbits/s en raison d'une technologie devenue graduellement désuète en Amérique du Nord.

Un plus pour Bell

«Bell ne se fera pas de nouveaux clients, mais l'entreprise en gardera probablement plusieurs avec cette annonce. Ça les garde simplement dans le jeu car, pour une fois, Bell ne sera pas à la traîne de ses concurrents», dit Iain Grant, directeur général du SeaBoard Group, firme de consultants dans le secteur technologique.

Bell comptait originalement lancer son nouveau réseau sans fil en février prochain, à temps pour les Jeux olympiques de Vancouver, dont il est l'un des commanditaires. Comme les travaux se sont déroulés plus vite que prévu, le lancement aura lieu demain, exactement à 100 jours de l'allumage de la vasque olympique.

Le consortium Bell-Telus - dont chacun des membres a bâti la moitié du réseau qui sera relié à plus de 200 pays - et Rogers sont d'accord sur un point: leurs réseaux ne s'équivalent pas. Rogers estime le sien plus avancé en raison de son expérience, tandis que Bell et Telus font valoir que leur réseau sera plus performant et couvrira davantage de superficie.

«Nous sommes persuadés que notre longueur d'avance sur nos concurrents et nos années d'expérience acquise avec cette technologie nous donneront un net avantage sur les exploitants qui se tourneront vers cette technologie au cours des années à venir», dit Sébastien Bouchard, porte-parole de Rogers.

«Notre réseau est le meilleur au pays, dit Wade Oosterman. C'est vrai que nous avons la même vitesse, mais nous avons plus de fibre optique dans nos liaisons de raccordement au réseau. Ces liaisons de raccordement optimisent la vitesse du réseau. C'est comme si vous aviez deux Ferrari, mais qu'une seule pouvait rouler sur l'autoroute.»

Au printemps dernier, Bell, Telus et Rogers auront un nouveau concurrent dans la téléphonie sans fil au Québec: Vidéotron. Selon l'analyste Iain Grant, Vidéotron offrira aussi un réseau d'une vitesse de 21 Mbits/s. «Nous ne pouvons pas révéler la vitesse de notre futur réseau, mais la bataille sera féroce», dit Marc Labelle, directeur des communications d'entreprise de Vidéotron.

Dans la grande partie d'échecs des télécommunications, les géants canadiens ne doivent pas seulement se surveiller entre eux. Ils doivent aussi garder un oeil sur ce qui se passe au sud de la frontière. Particulièrement chez Verizon, qui songe à inaugurer le réseau le plus rapide au monde l'an prochain. Dotée d'une technologie déficiente, Verizon a décidé de sauter une étape et d'opter pour le LTE (Long Term Evolution), une technologie supérieure (au moins 100 Mbits/s) qui n'a jamais été commercialisée. «Il suffit qu'une entreprise canadienne décide de passer au LTE pour que les autres soient aussi obligées de le faire», dit l'analyste Iain Grant.

D'ici là, la partie d'échecs continue. «Et personne n'annonce ses coups à l'avance», prévient Iain Grant.

BELL METTRA-T-IL FINAUX FRAIS D'ACCÈS?

Après Rogers en septembre et Telus en octobre, est-ce au tour de Bell de mettre fin aux frais d'accès au réseau et au service 911? Le grand patron George Cope n'a pas voulu se commettre hier, mais il a prix soin de laisser planer le doute. «Nous aurons des ajustements de prix très bientôt, dit-il. Nous allons nous pencher sur certains enjeux de concurrence. « Détail important à noter: Rogers et Telus ont aboli ces frais, mais les deux entreprises de télécoms ont augmenté le prix de leurs forfaits. Chez Telus, l'économie pour l'abonné est minime (2,70$ sur des frais mensuels de réseau de 7,70$), tandis que la facture a même augmenté dans certains cas chez Rogers.