Au lendemain d'élections qui l'ont reporté au pouvoir pour un troisième mandat, le maire de Montréal, Gérald Tremblay, a annoncé hier une série de mesures qui visent à mettre un terme aux «rumeurs de collusion et de corruption qui existent dans le milieu de la construction».

À peine réélu pour son troisième mandat, le maire de Montréal, Gérald Tremblay, a fait part hier de son intention de faire le ménage dans son administration afin que transparence et intégrité y règnent désormais en tout temps et partout: il a annoncé le report de l'attribution des contrats de voirie et d'infrastructures et la réduction des investissements, le temps que les processus d'appels d'offres soient revus. Par ailleurs, il a décrété le gel de la hausse prévue en 2010 pour la taxe de l'eau et la suspension de la taxe sur la voirie.

Le maire Tremblay a rapidement compris le message que les électeurs montréalais lui ont envoyé en le réélisant avec 37% des voix, comparativement à 54% en 2005. Il faut dire aussi que le ministre des Affaires municipales, Laurent Lessard, avait averti, hier matin, que le gouvernement Charest exigera de la part des villes qu'elles fassent des «gestes additionnels» afin que la population retrouve confiance en leurs administrations municipales en ce qui a trait à l'attribution de contrats.

«Il faut que ces processus soient impeccables», a dit le maire, hier après-midi, lors du premier point de presse de son nouveau mandat. Il a dit avoir rencontré la direction générale de la Ville et la direction des Finances et leur avoir demandé de réduire les investissements et de les limiter «à l'essentiel et aux engagements pris, jusqu'à ce que nous ayons fait la lumière sur les rumeurs de collusion et de corruption qui existent dans le milieu de la construction».

«Entre-temps, avec les arrondissements, la direction générale travaille très fort pour resserrer le processus d'approvisionnement qui nécessite l'expertise du privé, revoir le rôle du privé dans la préparation des devis et des appels d'offres, renforcer la reddition de comptes et surtout mettre en place un contrôleur qui s'assurera que les contrats sont donnés au juste prix et surtout que l'on a un nombre de soumissionnaires qui permet d'avoir le meilleur prix», a dit le maire. Gérald Tremblay n'a toutefois pas détaillé ses intentions, notamment comment il entend faire le ménage.

La Ville de Montréal a un trou financier de 205 millions au 30 septembre. Pour y remédier, elle doit soit adopter une hausse des impôts fonciers généraux, soit se serrer davantage la ceinture, soit adopter une combinaison des deux. Selon un scénario dévoilé par La Presse vendredi, l'administration envisage notamment d'augmenter l'impôt foncier du secteur résidentiel de 6% en 2010. Mais en réduisant ses investissements et ses dépenses, elle peut à la fois compenser la baisse de ses revenus et en profiter pour réviser ses façons d'attribuer des contrats.

Aussi, le maire a dit à la directrice générale Rachel Laperrière et à la direction principale des Finances qu'il «suspend la taxe pour le fonds de l'eau et le fonds de la voirie». La taxe de l'eau représente pour Montréal quelque 109,9 millions en 2009. Pour le contribuable, c'est 0,0513$ par 100$ d'évaluation. Quant au fonds de la voirie, il représente des revenus de 16,5 millions en 2009, ou 0,0059$ par 100$ d'évaluation. Pour le propriétaire d'une maison de 260 000$, la taxe de l'eau et la taxe de la voirie représentent un impôt de 148,72$ cette année.

Mais en fait, le maire ne suspend pas la taxe de l'eau; il en gèle plutôt l'augmentation qui était prévue en 2010. Le taux d'imposition devait passer à 0,0613$. C'est cette augmentation que le maire suspend, ce qui prive la Ville d'environ 20 millions et fait économiser 26$ au même propriétaire de maison. Pour la taxe sur la voirie, elle est par contre totalement suspendue, ce qui coûtera 16,5 millions à la Ville et permettra à ce propriétaire d'économiser 15,34$.

Pourquoi le maire a-t-il pris cette initiative qui le prive d'environ 36,5 millions? Pourquoi n'a-t-il pas poursuivi le programme fiscal prévu et placé la somme dans un fonds en attendant que les travaux d'infrastructures fassent de nouveau l'objet de contrats? Il n'a pas été possible de lui poser la question, hier, chaque journaliste ayant été cantonné à ne lui poser qu'une seule question. Et l'accès à la direction des Finances de la Ville ne nous a pas été permis.

Par ailleurs, Gérald Tremblay a rejeté d'un revers de main la possibilité d'accueillir des élus de l'opposition dans son prochain comité exécutif, en signe d'ouverture. «J'ai une très bonne équipe et la majorité de mon équipe a été réélue», a dit le maire. Toutefois, celle qui devait devenir sa présidente du comité exécutif, l'ex-péquiste Diane Lemieux, n'a pas été élue. Elle est arrivée en deuxième position dans le district électoral d'Ahuntsic, avec 33% des voix, soit 120 voix de moins qu'Émilie Thuillier, l'attachée politique de Richard Bergeron.