Si Bernard Émond a décidé de tourner La donation, le troisième film de sa trilogie théologale, en Abitibi, ce n'est pas un hasard. Et encore moins le fait que le long métrage ouvre le 28e Festival de cinéma en la Bittt à Tibi.

La région est bénie des dieux, foi de Jacques Matte, l'un des trois manitous avec Louis Dallaire et Guy Parent de la fête internationale du cinéma de ce pays neuf.

«C'est à Normétal que Bernard a trouvé la lumière, raconte l'inénarrable cinéphile et programmateur. Et il a eu cette révélation lors de sa visite au festival il y a quelques années.»

Le pays du bout de la route a été, c'est vrai, filmé et refilmé depuis sa naissance sous les pics et les fourches des colons au siècle dernier. On pense à l'abbé Proulx, évidemment, mais auront suivi avec enthousiasme les Bernard Devlin, Pierre Perrault, Maurice Bulbulian, Gilles Carle et autres enfants du pays comme Richard Desjardins et Robert Monderie.

«C'est toute une filmographie. Le cinéma et l'Abitibi-Témiscamingue sont intimement liés depuis toujours», poursuit Jacques Matte.

Mais pourquoi donc? lui demande-t-on.

«C'est l'ailleurs, répond-il sans hésiter. Autant pour les Québécois que pour les visiteurs de l'étranger qui viennent chercher à Rouyn l'exotisme québécois. On a une différence à vendre.»

Acteurs, producteurs et cinéastes, ils seront encore plusieurs cette année à monter au nord afin de prendre part aux activités festives. Parmi la centaine de films, dont 22 longs métrages, plusieurs sont des premières québécoises, sinon nord-américaines.

En plus de La donation cette année, les Abitibiens verront avant les Montréalais Romane par moins 30, avec Sandrine Kiberlain, Mary and Max, film d'animation pour adultes de l'Australien Adam Elliot, Jaffa, film franco-israélien et Complices, thriller policier franco-suisse.

«J'ai vu Complices à Locarno, raconte Jacques Matte. Je suis allé voir les producteurs et ils ont avoué tout de suite être séduits par l'idée de venir voir quelque chose qu'ils n'ont jamais vu dans une région dont ils ignoraient même l'existence.»

Salles combles

Le festival en Abitibi-Témiscamingue est une fête courue aussi en raison de l'accueil chaleureux, sans pareil, du public local. Les salles du festival sont toujours remplies à Rouyn.

«Il y a quelques années, un cinéaste qui se plaignait d'avoir été programmé un mardi après-midi au festival avait été sidéré de voir 750 personnes assister à la projection. Il croyait que personne ne travaillait en ville. Je lui ai expliqué que les gens prenaient des vacances pour assister aux films du festival.»

Certains programmateurs montréalais pourraient peut-être en tirer quelques enseignements. Mais il y a plus, selon Jacques Matte.

«La région est en ébullition sur le plan culturel. Je le sens parce que je suis également diffuseur, responsable du Théâtre du cuivre à Rouyn. Il y a une telle soif de culture dans la région.»

Après 28 ans de cinéphilie active, notre homme a compris toute la force des «événements», surtout en région.

«Quand c'est bien préparé et bien présenté, quand la qualité est là, les gens viennent et reviennent. Chez nous, les artisans du cinéma sont facilement accessibles. C'est convivial et festif. C'est aussi simple que ça.»

Simple comme de présenter le dernier Almodovar, Los abrazos rotos, mais également une quarantaine de vidéos de courte durée, des programmations aussi à Amos, Val-d'Or et La Sarre, un volet jeunesse et une exposition de moppes, oui, on parle bien de ces bibittes à poil servant à laver le plancher.

«Ce sont tous des artistes de talent qui participent à l'expo. Un festival, c'est vivant, fait Jacques Matte en souriant. Vivant avec un grand V.»

Le 28e Festival du cinéma international commence aujourd'hui et se déroule jusqu'au 5 novembre en Abitibi-Témiscamingue. La programmation complète www.festivalcinema.ca