Gilles Chagnon a réussi à se faire acquitter du meurtre d'un vendeur de cigarettes en 1994, mais il a eu moins de chance, hier, avec celui d'une chauffeuse d'escortes, Danielle Boucher. Au terme de son procès à Montréal, un jury l'a déclaré coupable du meurtre prémédité de la femme de 37 ans, ce qui lui a valu la prison à perpétuité.

«Peu importe qui était la victime et ce qu'elle faisait. Aucun être humain ne mérite d'être assassiné froidement, surtout pas pour une poignée d'argent», a indiqué le juge James Brunton. Mme Boucher a été abattue par balle dans sa voiture, en février 1993. Chagnon a commis ce meurtre sur commande, pour 8000$. La conjointe de Mme Boucher, Barbara Harangozo, était la commanditaire du crime. Le meurtre est resté irrésolu jusqu'en 2006, soit jusqu'à ce que Chagnon, suspect numéro un dans cette histoire, tombe dans un traquenard, appelé dans le jargon policier un «Mister Big». Cette technique d'enquête consiste à faire croire à un suspect que, pour entrer dans une organisation criminelle, il doit confesser ses crimes passés afin qu'on en efface toute trace.

C'est ainsi que, dans une confession qu'il a faite au supposé grand chef d'un gang prospère (un policier en réalité), en décembre 2006, Chagnon a avoué non seulement le meurtre de Mme Boucher, mais aussi deux autres dans lesquels il a été impliqué.

Les jurés ont entrepris leurs délibérations, jeudi, sans connaître l'existence de ces deux autres meurtres, dont un pour lequel Chagnon s'est réjoui d'avoir été jugé et acquitté. Il s'agit du meurtre de Daniel Favre, abattu dans son domicile de Saint-Hubert en avril 1993. Chagnon avait rassuré le grand patron au sujet de cette histoire, puisqu'il avait été jugé et acquitté en 1994. Ses parents, à l'époque, lui avaient fourni un alibi bidon. Pour conclure sa confession, Chagnon a parlé de sa présence sur les lieux d'un autre meurtre, celui d'un «pédophile», tué chez lui sur la Rive-Sud, en 1993. Chagnon a expliqué qu'il était là lors du crime, mais qu'il n'avait pas tiré lui-même.

Ce sont les aveux de Chagnon qui lui ont valu une accusation de meurtre prémédité dans le cas de Danielle Boucher. Le jury a rendu sa décision en moins de deux jours. Ironiquement, Chagnon était défendu de nouveau par Me Marc Labelle, qui l'avait fait acquitter en 1994, à Longueuil. Son acquittement empêche de le juger de nouveau pour ce crime, même s'il a avoué l'avoir commis.

Mme Barbara Harangozo, commanditaire du meurtre de Mme Boucher, s'est elle-même dénoncée à la police quelques années après le crime, mais les procédures contre elles ont été abandonnées en 1998. Son état mental serait précaire.

Autre aspect insolite: Chagnon est lui-même considéré comme une victime d'acte criminel, puisqu'il a reçu une balle au visage en intervenant pour stopper une querelle à la sortie d'un bar de l'avenue du Mont-Royal, en 2000. L'IVAC l'a donc indemnisé d'une somme de 23 000$, et continue de lui verser 1400$ nets d'impôts aux deux semaines, pour incapacité de travailler... Pourtant, en 2006, Chagnon travaillait pour ce qu'il croyait être une organisation criminelle en transportant des mallettes d'argent, faisait de la surveillance... À mots couverts, il se disait même prêt à commettre des meurtres, si c'était bien organisé «comme les autres jobs».