La chef de Vision Montréal et candidate à la mairie de Montréal, Louise Harel, a demandé hier au maire Gérald Tremblay de dévoiler la situation financière actuelle de la Ville avant le vote de demain, après avoir pris connaissance du scénario envisagé secrètement par l'administration Tremblay de hausser les taxes pendant les quatre prochaines années à un niveau bien supérieur à l'inflation. Mais le maire Tremblay refuse d'évoquer ce scénario avant le vote.

«Le 21 septembre dernier, le maire avait présenté un rapport financier positif, a-t-elle dit. Il a parlé d'un surplus de 88 millions grâce à l'immobilier et de 45 millions additionnels provenant des taxes et des droits de mutation. Gérald Tremblay doit dire la vérité. Parce que le rapport contredit l'information publiée dans La Presse. Est-ce qu'encore une fois il n'est pas au courant? Il ne sait pas?»

»L'heure juste»

De son côté, le chef de Projet Montréal, Richard Bergeron, estime que «ça ne donne plus rien de demander quelque chose à M. Tremblay». «Quand je prendrai mes fonctions dans deux jours, si la population le veut bien, là je verrai à faire l'analyse correcte et approfondie des finances de la Ville avec les gens compétents et les fonctionnaires responsables, dit-il. Si c'est moi qui suis maire de Montréal, ce ne sera pas très long avant d'avoir l'heure juste.»

Gérald Tremblay n'a pas nié, hier, le scénario d'une augmentation des taxes, mais il refuse de préciser ce qu'il entend par «au moins au niveau de l'inflation», reportant toute précision après le scrutin, s'il est élu. Il a fait le tour de plusieurs médias électroniques, hier (mais il a refusé de parler à La Presse), pour réagir à notre nouvelle, selon laquelle des hausses de taxes générales de 6%, 4%, 3% puis encore 3% sont envisagées par son administration pendant les quatre prochaines années.

Scénarios

Que ce soit à l'émission de Paul Arcand, à la radio 98,5 FM, ou avec l'animateur Tommy Schnurmacher, à CJAD peu après, le maire a réitéré qu'un gel de taxes accompagné d'une augmentation de services aux citoyens était incompatible avec la situation économique actuelle. Il estime que «le rôle des fonctionnaires est de faire des scénarios» et que plusieurs scénarios lui ont été présentés. Celui que La Presse a révélé sera regardé, a-t-il dit, après les élections.

Ce scénario que le maire ne veut pas rendre public comprend une hausse de l'impôt foncier de 5,2% en 2010 qui, combiné à la taxe de l'eau, donnerait une taxe générale de 6% pour le secteur résidentiel. Il comprend aussi une hausse de l'impôt foncier de 6,7% pour le secteur non résidentiel, une augmentation de 3,5% des tarifs de la STM, une hausse des droits de mutation et une nouvelle taxe sur les stationnements privés qui devrait rapporter 20 millions.

Ces initiatives visent à compenser le manque de revenus lié au faible rendement des fonds d'investissement à cause des bas taux d'intérêt, et au fait que la caisse de retraite des employés connaît un déficit, que le maire évalue à 65 millions.

Du coup, M. Tremblay a dit hier que la décision sur l'ampleur de l'impôt foncier de 2010 sera prise «en fonction de la conjoncture économique et on ne connaît pas la conjoncture économique». Le maire et le conseiller responsable des finances, Sammy Forcillo, savent qu'il y avait un déséquilibre budgétaire de 381,4 millions au début de 2009, et que ce déséquilibre a été ramené à 184,4 millions au 28 mai grâce à des initiatives totalisant 197 millions.

Durant tout l'été, la situation économique ne s'est pas améliorée et malgré les efforts des responsables à la Ville, on n'a pu empêcher un accroissement du trou financier, qui atteignait exactement 204,8 millions au début du mois.

Paul Arcand a dit hier plusieurs fois au maire qu'il avait de la difficulté à concevoir qu'à 90 jours de déposer un budget (en fait, c'est 42 jours, car le budget sera déposé le 11 décembre si M. Tremblay est élu), le maire n'était pas au courant des chiffres. D'autant plus que le dossier est déjà pas mal ficelé: le maire de Dorval, Edgar Rouleau, sait déjà que pour sa ville, le scénario que La Presse a évoqué l'obligera à imposer une taxe pour récupérer les 600 000$ à 700 000$ d'augmentation de sa quote-part à l'agglomération.

Le maire de Beaconsfield, Bob Benedetti, a dit à La Presse hier que ce scénario d'une hausse de la quote-part des villes défusionnées pouvant atteindre 14% «n'est pas une énorme surprise pour nous». «On sait ça et on se prépare à ça, dit-il. Mais je veux croire aux miracles!»