Parmi les principaux entrepreneurs privés qui ont des contrats avec la Ville de Montréal, la moitié ont eu leur lot de problèmes parfois avec la justice, parfois avec des fier-à-bras, a constaté La Presse.

La semaine dernière, La Presse a fait ressortir que 16 entreprises ont raflé 46% des contrats de travaux publics de la Ville de Montréal de 2005 à 2009. La valeur de ces contrats s'élève à 471 millions de dollars.

Parmi ces entreprises, on trouve de grandes sociétés, telles les françaises Colas (72 000 employés) et Eurovia (42 000 employés), de même que la québécoise Gaz Métropolitain (2150 employés). La moitié des entreprises restantes sont dirigées par des hommes qui ont été mêlés à des affaires judiciaires ou qui ont fait les manchettes pour des problèmes particuliers.

En voici les faits saillants:

Nicolo Milioto, président de Construction Mivela

Contrats 2005-2009 de la Ville: 50,3 millions

Nicolo Milioto est un acteur important de l'industrie de la construction à Montréal. Son entreprise est spécialisée dans les travaux de trottoirs. En mai 2003, il s'en est pris à des cols bleus de la Ville, à Montréal-Nord. Il a frappé deux grévistes et causé des dommages à un camion de la Ville à coups de barre de fer. Coupable de cinq chefs d'accusation au criminel, il a obtenu une absolution inconditionnelle, mais a dû faire un don de 500$ à un organisme de charité. Il s'agissait d'une deuxième condamnation pour voies de fait: en 1993, il avait proféré des menaces de mort à l'endroit d'un citoyen.

Tony Accurso, principal dirigeant de Construction Louisbourg, Simard-Beaudry Construction, Gastier et d'autres entreprises

Contrats 2005-2009 de la Ville: 129,5 millions

En avril, des agents de Revenu Canada et de la GRC ont fait des perquisitions chez des entreprises de Tony Accurso, notamment Simard-Beaudry et Louisbourg. Selon les mandats, ces sociétés ont versé 4,5 millions à deux entreprises fictives de l'homme d'affaires Francesco Bruno. Une des entreprises de Bruno, B.T. Céramique, a ses bureaux dans un immeuble appartenant au chef de la mafia, Vito Rizzuto, et au consigliere Paolo Renda. Le fisc avance que «B.T. Céramique s'est fait remettre de fausses factures afin de réduire ses revenus et payer des salaires au noir».

Simard-Beaudry Construction est également au coeur de la controverse sur les compteurs d'eau. Le vérificateur général de la Ville a soulevé plusieurs irrégularités liées à ce contrat de 356 millions, qui fait l'objet d'une enquête de la SQ. Simard-Beaudry Construction est l'un des deux membres du consortium GÉNIeau, qui avait obtenu le contrat.

Paolo Catania, principal dirigeant de Construction Frank Catania et associés

Contrats 2005-2009 de la Ville: 72,2 millions

Le 11 septembre, Paolo Catania a été accusé de menaces de mort, de tentative d'extorsion et de harcèlement envers l'homme d'affaires Elio Pagliarulo, qui lui doit 1,4 million. Dans une déclaration sous serment, Pagliarulo affirme que 600 000$ des 1,4 million de dollars lui ont été remis en liquide, ce que nie Catania. Pagliarulo affirme que lui-même et Catania faisaient du prêt usuraire, ce que nie aussi Catania.

Paolo Catania est le promoteur du Faubourg Contrecoeur, un projet résidentiel controversé. Le vérificateur général de la Ville a relevé des irrégularités dans ce contrat, passé avec la Société d'habitation et de développement de Montréal (SHDM), et a confié son dossier à la SQ, qui a ouvert une enquête.

Le fondateur de l'entreprise, son père Frank Catania, a été filmé par des caméras de la GRC en 2005 au café Consenza, quartier général de la mafia à Montréal. Il était en présence du patriarche de la mafia, Nick Rizzuto. Cette année-là, cinq dirigeants de la mafia, dont le parrain Vito Rizzuto, se sont cotisés pour offrir un cadeau de retraite à Frank Catania.

En 1996, Construction Frank Catania a dû payer une amende de 150 130$ pour une fraude fiscale impliquant de fausses factures et de l'argent liquide.

Joe Borsellino, principal dirigeant de Construction Garnier

Contrats 2005-2009 de la Ville: 55,9 millions

En octobre dernier, Joe Borsellino a invité Robert Marcil, directeur de la réalisation des travaux à la Ville, à un voyage en Italie en compagnie d'Yves Lortie, de la firme Genivar, et de Jocelyn Dupuis, alors de la FTQ-Construction. Marcil a dû démissionner de son poste l'été dernier. La Ville de Montréal enquête sur cette affaire.

Plusieurs sources, notamment policières, affirment que Joe Borsellino a été victime d'une attaque sauvage en juillet. Il se serait fait battre sévèrement: sa mâchoire aurait subi de multiples fractures. Il aurait passé environ six heures sur la table d'opération, mais il a refusé de porter plainte. Aux personnes qui l'interrogent, il affirme qu'il est tombé. La Presse a été incapable de lui parler.

Famille Zambito, propriétaire d'Infrabec

Contrats 2005-2006 de la Ville: 39,9 millions

En 2003, Infrabec a donné un tracteur Kubota d'une valeur de 28 000$ au directeur général de l'arrondissement de Saint-Laurent, de qui l'entreprise obtenait plusieurs contrats. Le directeur général, Robert Fortin, a été reconnu coupable d'abus de confiance, condamné à 200 heures de travaux communautaires, et congédié. Personne n'a été accusé chez Infrabec.

Il y a deux semaines, Radio-Canada a affirmé que Lino Zambito, vice-président de l'entreprise, a tenté de neutraliser l'opposition de Boisbriand pour faire réélire la mairesse Sylvie St-Jean. Infrabec a obtenu la moitié des contrats de Boisbriand depuis cinq ans, soit une valeur de plus de 50 millions, selon Radio-Canada.

Famille Théorêt, Roxboro Excavation

Contrats 2005-2009 de la Ville: 29,9 millions

En 2000, Roxboro Excavation a plaidé coupable de collusion avec quatre autres entreprises de déneigement. Leurs soumissions trafiquées visaient des appels d'offres du ministère des Transports du Québec (MTQ). Roxboro Excavation a payé une amende de 121 700$ pour cet acte criminel, plus une somme réclamée au civil par le MTQ mais demeurée confidentielle dans une entente à l'amiable datée d'avril 2009.

Giuseppe Borsellino, président de B.P. Asphalte

Contrats 2005-2009 de la Ville: 21,7 millions

En 1994, B.P. Asphalte a été condamnée à payer une amende de 407 320$ pour fraude fiscale. Le fisc a découvert que l'entreprise payait des salaires au noir (2,4 millions) en utilisant un stratagème complexe de fausses factures, de fausses sociétés et d'argent liquide.