La Banque du Canada ne peut à elle seule freiner la hausse vertigineuse qu'a connue le dollar canadien au cours des derniers mois, estime le gouverneur de l'institution, Mark Carney.

Mais elle dispose quand même de certains outils pour limiter cette hausse à condition que d'autres politiques économiques soient également mises en oeuvre, a-t-il expliqué hier devant le comité des finances de la Chambre des communes.

«L'histoire nous enseigne qu'une telle intervention (de la Banque du Canada) fonctionne rarement à long terme sans l'adoption d'autres politiques qui soutiennent cette intervention», a affirmé Mark Carney, sans toutefois donner plus de détails sur les autres politiques qui devraient être envisagées.

La semaine dernière, le gouverneur de la Banque du Canada a déclaré que l'ascension rapide du dollar canadien risquait de mettre en péril la reprise économique qui s'est engagée au pays. Il a aussi affirmé que l'institution qu'il dirige dispose de certaines options pour limiter la hausse du huard.

Devant les députés, M. Carney a été longuement interrogé sur les possibles retombées de la hausse du dollar sur l'économie canadienne. Le dollar canadien s'est apprécié de plus de 25% par rapport à la devise américaine au cours des derniers mois.

M. Carney a d'ailleurs indiqué hier que la Banque du Canada prévoit que le taux de croissance de l'économie canadienne sera légèrement inférieur à ce qui avait été prévu au printemps. Selon les nouvelles prévisions, l'économie canadienne se sera contractée de 2,4% cette année, mais elle progressera de 3,0% en 2010 et de 3,3% en 2011. En somme, la reprise sera un peu plus modeste que celle observée en moyenne lors des cycles économiques précédents.

La dernière fois que la Banque du Canada est intervenue sur les marchés monétaires pour influencer la valeur du dollar canadien remonte à 1998. Pour l'heure, Mark Carney croit que la décision de la Banque du Canada de maintenir son taux directeur à 0,25% jusqu'en juin 2010 limitera l'attrait du dollar canadien auprès des spéculateurs étrangers.

Attention à l'inflation

Mais au bout du compte, la Banque du Canada doit évaluer l'incidence de la montée du dollar canadien sur l'inflation au pays. Et l'envolée du huard a eu pour effet de contenir les pressions inflationnistes jusqu'ici.

«L'objectif que vise la Banque dans la formulation de la politique monétaire est d'atteindre la cible d'inflation de 2%. Le taux de change doit être envisagé dans ce contexte. (...) Ce qui importe en définitive, c'est l'incidence du taux de change conjuguée à tous les autres facteurs d'origine interne et externe sur la demande globale et l'inflation au Canada. Autrement dit, la Banque examine tout à travers le prisme de l'atteinte de la cible d'inflation», a affirmé Mark Carney.

Le gouverneur de la Banque du Canada a tout même indiqué que le moyen traditionnel d'intervention pour influencer la valeur du dollar canadien, outre la fixation du taux directeur, consiste à acheter ou à vendre justement des devises en dollars canadiens. M. Carney a aussi affirmé que la décision d'intervenir ne doit pas être prise «à la légère». Une telle décision importante doit être prise si la fluctuation du dollar a des conséquences sérieuses sur la vigueur de l'économie.

M. Carney a tenu ces propos le jour même où un rapport rédigé par Marchés mondiaux CIBC affirmait qu'un dollar canadien trop fort risquait de saper les fondements du secteur manufacturier du pays.

Les économistes de la filiale des services bancaires en gros de la Banque CIBC ont ajouté que la Banque du Canada devrait se préparer à intervenir de façon exceptionnelle afin de stabiliser le huard et de protéger ce secteur de l'économie.

Ils ont soutenu qu'en refusant d'intervenir sur le marché des devises lorsque les spéculateurs font grimper le huard à des sommets qu'elle juge injustifiés, la banque centrale canadienne risque un effondrement de la base industrielle du pays.