L'Église de scientologie a été condamnée hier en France à payer de lourdes amendes à l'issue d'un retentissant procès pour escroquerie qui ne l'empêchera pas pour autant de poursuivre ses activités dans le pays.

Le tribunal correctionnel de Paris exige que les deux principales structures hexagonales de l'organisation d'origine américaine, qui contestera le jugement en appel, versent près de 1 million de dollars pour avoir abusé d'anciens adeptes.

Le «dirigeant de fait» des scientologues en France, Alain Rosenberg, ainsi que trois autres membres ont été condamnés à des peines de prison avec sursis allant de 18 mois à deux ans, accompagnées d'amendes individuelles.

Bien que les procureurs aient demandé la dissolution des deux structures ciblées par la procédure, le tribunal n'a pas obtempéré.

Une controverse avait éclaté l'été dernier après que la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Milivudes) eut révélé qu'une modification législative adoptée en mai rendait impossible la dissolution d'une personne morale pour escroquerie. Le gouvernement, parlant d'une simple «erreur», a ensuite infirmé la décision sans pour autant la rendre rétroactive.

Le juge «a exprimé sa volonté de faire en sorte que la structure de la scientologie soit maintenue pour qu'en réalité, on puisse mieux la contrôler et a voulu donner à ce jugement une dimension nationale et internationale pour que d'éventuelles victimes puissent être prévenues des méthodes», de l'organisation, a indiqué hier au quotidien Le Monde l'avocat des parties civiles, Me Olivier Morice.

Le procès reposait notamment sur le témoignage d'une femme d'une quarantaine d'années, Aude-Claire Malton, qui s'est intéressée aux idées de Ron Hubbard à la fin des années 90 après avoir été sollicitée par des membres de l'organisation à la sortie d'un métro parisien.

Mme Malton, qui se trouvait alors dans une période de grande vulnérabilité, a déboursé plus de 30 000 dollars en quatre mois pour suivre des cours et obtenir des livres censés l'aider à se remettre sur pied. «Il fallait sans cesse acheter», a relaté la plaignante, qui a coupé les ponts avec l'organisation grâce à l'aide de son ex-conjoint.

Loin de se considérer désavouée, l'Église de scientologie s'est félicitée hier, dans un communiqué, que la cour ait reconnu qu'elle «devait» continuer ses activités en France.

«Il n'a pu échapper à la réalité qu'il existe une large communauté de scientologues heureux de pratiquer leur religion», indique l'organisation, qui se dit victime d'un «procès en hérésie, une inquisition des Temps modernes».

«Nous ne renoncerons pas. La religion de scientologie se développe plus que jamais et sa reconnaissance en France est inéluctable, comme dans les autres pays. Nous croyons que personne n'a le droit de dire aux Français ce qu'ils doivent dire et ce qu'ils doivent penser en matière de religion», a souligné un porte-parole.

La réaction était tout autre du côté des associations de lutte contre les sectes, qui parlaient hier d'une décision historique susceptible de nuire à l'organisation, classée comme «secte» dans un rapport parlementaire français de 1995.

Le président de la Milivudes, Georges Frenech, s'est réjoui, en particulier, que le fonctionnement même de l'Église de scientologie soit montré du doigt.

Certains membres avaient déjà été condamnés par le passé en France pour escroquerie sans que l'organisation elle-même ne soit sanctionnée.