Lorsque Pierre-F. Côté est devenu directeur général des élections, en 1978, la loi «révolutionnaire» de René Lévesque sur le financement des partis politiques n'avait qu'un an.

Au cours des 20 ans passés à ce poste, M. Côté a été aux premières loges pour assister à la mise en place de cette loi et à la transformation des partis politiques.

Aujourd'hui, à la retraite depuis 12 ans, il ne s'étonne pas des scandales et des allégations qui éclaboussent le monde municipal et il ajoute sa voix au choeur de plus en plus populeux qui réclame une enquête publique.

Par contre, Pierre-F. Côté croit que le gouvernement ne doit pas s'ingérer dans les courses à la direction des partis politiques, prenant ainsi une position résolument à contre-courant de la majorité.

«Ce qui se passe n'a rien de surprenant. Lorsque j'étais DGE, j'avais dénoncé le système des «élections clés en main», rappelle-t-il. Avec les avocats et les ingénieurs, ça marchait bien... Une commission d'enquête serait bénéfique, je pense que l'on trouverait des choses, surtout dans les grandes villes. Mais ça dépend quelle commission. Une commission d'enquête donne des résultats sur du long terme, mais il faut un mandat défini.»

Cela dit, il ne faudrait pas jeter le bébé avec l'eau du bain, selon Monsieur DGE, qui croit que la loi sur le financement des partis politiques reste un outil efficace, malgré toutes ces histoires qui entachent la politique municipale depuis quelques mois. D'ailleurs, dans les révélations de Benoit Labonté, aucune loi n'a été violée.

Les enveloppes pleines d'argent, les allégations de corruption et de collusion, les renvois d'ascenseur sont, selon Pierre-F. Côté, des «cas exceptionnels». À ne pas minimiser, mais à prendre avec recul.

«C'est le risque que l'on prend en démocratie, dit-il. Et à la fin, l'électorat décide.»

S'il faut une commission d'enquête, ce n'est pas pour faire le procès de la loi, mais plutôt pour mettre au jour les liens entre politiciens et gens d'affaires corrompus. En ce sens, M. Côté suggère au gouvernement de ne pas s'immiscer dans les affaires internes des courses à la direction des partis politiques.

«Je me suis toujours opposé aux contrôles des courses au leadership parce que ça voudrait dire que l'État finira par entrer dans les partis politiques. Un parti politique doit rester une association de personnes autour d'une idée. C'est une tendance dangereuse que de voir l'État mettre son nez partout. L'État est déjà allé assez loin avec les partis politiques.»

La prise de position de Pierre-F. Côté surprendra probablement bien du monde, moi le premier, mais il va encore plus loin en disant que les personnes morales (les entreprises) devraient pouvoir contribuer au financement des partis politiques. Sous contrôle strict, il va sans dire.

«Il existe une solution pour les personnes morales, reprend M. Côté: qu'on les autorise à faire des dons. Disons maximum 5000$, à la condition que ce soit immédiatement connu. Ou alors, que les entreprises qui veulent contribuer fassent des dons directement au DGE, qui redistribuera l'argent selon le pourcentage de votes obtenus par les différents partis.»

Une telle proposition, dans le contexte actuel, a bien peu de chances de trouver des adeptes au sein du gouvernement. Et encore moins au sein du public.

Pierre-F. Côté dit comprendre parfaitement le désarroi des Montréalais devant le merdier à leur hôtel de ville.

La tentation de l'abstention (un thème qui revient dans plusieurs courriels de lecteurs depuis quelques jours) peut se comprendre, selon M. Côté. Mais après avoir passé des années à scander «un vote, ça compte», l'ex-DGE ne va tout de même pas conseiller aux Montréalais de rester à la maison dimanche.

«L'abstention, de toute façon, n'est jamais une solution. Il faut choisir même si c'est difficile. Quitte à se reprendre la prochaine fois.»

Au cours des derniers jours, plusieurs lecteurs m'ont indiqué par courriel qu'ils entendaient voter «blanc», donc faire le geste politique de s'abstenir. Le problème, c'est qu'au Québec (au Canada non plus, d'ailleurs), il n'y a pas de case «Je m'abstiens» (comme en France, par exemple). Tous les bulletins n'indiquant pas clairement le choix d'un candidat se retrouvent donc pêle-mêle dans la catégorie»bulletins rejetés».

Et puis, comme le taux de participation aux élections municipales dépasse à peine 40% à Montréal, rester à la maison cette fois-ci ne serait pas vu comme un geste politique, mais comme une autre manifestation de je-m'en-foutisme.

Pierre-F. Côté encourage évidemment les électeurs à aller voter, «mais dans les circonstances, un grand nombre de bulletins rejetés serait un message extraordinaire», conclut-il.

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