Comment peut-on expliquer l'extraordinaire rebond de la Bourse depuis son creux du début du mois de mars dernier?

Selon François Dupuis, vice-président et économiste en chef de Desjardins, l'explication résiderait dans l'ampleur de la déconfiture boursière qui avait rabattu les indices au fameux creux de mars dernier. Comme si cette débandade des indices boursiers de quelque 50 à 60% était exagérée par rapport à l'impact de la crise financière sur la santé de l'ensemble des entreprises cotées en Bourse.

Quand la déprime a touché son zénith au début de mars, le calme boursier est soudainement revenu et les gros investisseurs institutionnels ont recommencé à sauter sur les titres qui se négociaient dès lors à prix d'aubaine par rapport à leurs prévisions de bénéfices. C'est ainsi que, d'une hausse boursière à l'autre, la masse des investisseurs a retrouvé le moral et la confiance...

Et nous revoilà maintenant aux prises avec une remontée qui fait peur tellement elle est forte.

Du jamais vu ou presque. Imaginez, en l'espace d'à peine sept mois et demi, les grands indices nord-américains présentent des performances à faire peur: "63% pour le S&P 500 de la Bourse de New York; "70% pour le NASDAQ; "55% pour les 30 multinationales du Dow Jones; "53% pour le TSX de la Bourse de Toronto. Que dire maintenant de la Bourse de croissance canadienne: "95%.

Après une telle remontée, nombreux sont les gourous financiers, qui, à l'instar de l'équipe économique de François Dupuis, anticipent une correction temporaire. Ou à tout le moins une pause... avant que la Bourse poursuive son redressement par rapport au sommet historique atteint en 2007 par les indices américains et en 2008 par les indices canadiens.

Une mise en garde s'impose ici: comme les entreprises ont profité de la crise financière pour réduire dramatiquement le personnel et l'ensemble de leurs dépenses, il faut, selon M. Dupuis, mettre un certain bémol sur le dévoilement des bénéfices des prochains trimestres. Lesquels bénéfices risquent d'être quelque peu trompeurs...

Autrement dit, on nous présente des bénéfices non pas liés à la croissance et à la performance financière des entreprises, mais plutôt tributaires du ménage exécuté à l'intérieur des entreprises.

Mais ce ne sera que passager, si l'on en croit M. Dupuis.

Il est persuadé que l'amélioration progressive du contexte économique générera une vraie croissance des profits, ce qui permettra à la tendance haussière du marché boursier de se poursuivre dans les prochaines années.

D'ici 2013, le service économique de Desjardins anticipe une hausse annuelle moyenne de 13,3% pour le S&P/TSX de la Bourse de Toronto et une progression annuelle de 10,7% pour le principal indice américain, le S&P 500 de la Bourse de New York.

Voilà pour la bonne nouvelle boursière.

Maintenant, regardons un côté plus sombre de la spectaculaire remontée des indices.

La fameuse réforme mondiale de la réglementation financière tarde à se matérialiser. Conséquemment, on risque d'assister à un retour massif aux abus de tout acabit dans les marchés financiers.

La réforme proposée par le président Obama visait à mieux protéger les consommateurs de services financiers, à améliorer la stabilité financière, à augmenter la supervision des marchés financiers et des institutions financières, à mettre en place un système de résolution de crise, à renforcer les exigences internationales de capitalisation des institutions financières, à améliorer la standardisation des marchés de produits dérivés, à resserrer la supervision des agences de crédit, à introduire de meilleures pratiques de rémunération et à augmenter les standards comptables.

Les objectifs de la réforme financière Obama étaient fort appréciés de la part de tous les investisseurs et des législateurs mondiaux des marchés financiers. C'était la seule façon efficace de faire le ménage dans les divers marchés financiers.

Eh bien, tout ce beau monde risque de rester sur sa faim.

La puissance des lobbyistes des institutions financières américaines et la longue liste des autres grandes priorités de l'administration Obama risquent, selon François Dupuis, de laisser traîner en longueur l'application des mesures prévues.

La réforme du système des soins de santé, la guerre en Afghanistan et en Irak, la situation économique, la détérioration budgétaire: voilà autant de priorités de l'administration Obama qui semblent avoir pris le dessus sur la réforme pourtant si nécessaire des marchés financiers.

Remarquez que les patrons des sept firmes renflouées (Citigroup, Bank of America, AIG, etc.) à coups de milliards par le gouvernement américain verront leurs salaires subir une coupe de 50%. Voilà un début. D'autres mesures vont sans doute suivre au cours des prochaines semaines.

Un conseil: surveillons nos arrières, les financiers ratoureux ont toujours le chemin libre ou presque. Ils sont repartis sur la «balloune». Attention!