Un système de dossier postural entièrement ajustable pour fauteuil roulant?

Ce n'est pas avec du mobilier comme celui-là qu'un designer atteint la gloire d'un Philippe Starck. Mais Daniel Spooner s'en préoccupe comme de son premier jeu de Meccano.

Ce qui l'allume, c'est de trouver la solution appropriée, avec les techniques de fabrication appropriées, au prix approprié.

Cet ingénieur est membre de l'Association des designers industriels du Québec. Un cas rare, sinon unique. Pour être admis, il lui a fallu apporter la preuve qu'il maîtrisait le processus de design. Il l'a acquis au fil des projets d'autobus à hydrogène, de prothèse de jambe motorisée, de distributeur à savon auxquels il a collaboré.

Il n'a pas eu l'ombre d'une hésitation quand Positech lui a demandé de participer à la conception de ce qui s'appelle maintenant le dossier Degré 5.

Depuis 10 ans, Positech fabrique sur mesure des pièces qui améliorent la posture, le confort et la stabilité des personnes en fauteuil roulant. Prescrites par des ergothérapeutes, ces composantes sont habituellement fabriquées sur mesure par des artisans spécialisés. Il faut deux ou trois allers-retours entre l'atelier et le centre de réadaptation pour mesurer, réaliser, tester et ajuster les mousses, supports, butées et autres appuis.

Mais André Beauchesne, président de Positech, située à Lachenaie, voyait les choses autrement. «Nous voulions arriver à offrir des produits qui sont capables d'ajustements tout en conservant un format standard», explique-t-il.

Au milieu des années 2000, il a donc lancé un programme de conception d'un fauteuil roulant multi-ajustable. Ce fauteuil qui se déploie en tous sens - une espèce de Transformer - s'annonçait révolutionnaire mais très coûteux. Mieux valait d'abord se concentrer sur un de ses éléments. Daniel Spooner a été appelé en renfort afin de mettre au point le système de dossier ajustable. Son mandat: réduire les coûts et simplifier les mécanismes.

«Le plus gros défi a consisté à équilibrer la fonctionnalité, l'esthétique et les coûts», décrit-il.

Le dossier doit s'installer sur des fauteuils roulants de 14 à 20 pouces de largeur. Il doit s'ajuster en hauteur sur une plage de 6 pouces, et se régler en angle.

Les butées thoraciques - ces coussins qui soutiennent les flancs de l'usager - sont elles aussi ajustables en profondeur et en largeur. Les ajustements, pour la plupart à vis, sont discrets, solides et faciles à faire pour les techniciens des centres de réadaptation.

«On est capable d'aller chercher la hauteur précise pour les besoins du client, ce qui en fait un produit assez innovant, indique André Beauchesne. Les centres pourraient l'avoir en inventaire sans savoir à qui il sera attribué, et faire les ajustements finaux directement avec le client.»

Difficulté supplémentaire: cet attirail doit se retirer en un clin d'oeil quand vient le temps de replier le fauteuil pour le transport.

La solution est élégante. Deux petits supports sont solidement fixés aux montants de la chaise roulante. Le dossier vient s'y engager par deux tenons. Les mortaises qui les accueillent s'ouvrent et se referment grâce à deux leviers rabattables, faciles à manipuler.

«C'est très simple, commente Daniel Spooner, mais arriver à la simplicité, ce n'est pas simple.»

Positech a proposé des tissus colorés ou à motifs, mais presque tous les clients ont choisi la discrétion, c'est-à-dire le noir.

Avec ce projet, Daniel Spooner s'inscrit dans une tradition de longue date chez les designers industriels. Au début des années 80, par exemple, le studio du designer montréalais Douglas Ball, pourtant spécialisé dans les fauteuils et systèmes de bureau, avait conçu une chaise motorisée «sportive» pour enfants et un fauteuil roulant motorisé qui gravissait les bordures de trottoir.

Pas question de vous alarmer, mais l'âge venant, nous serons peut-être très heureux, un jour, que des designers se soient penchés sur des problèmes de confort très pointus.