Les apparences sont parfois trompeuses. Sous la paisible silhouette d'une voiture qu'affectionnent les familles nombreuses se cache ici un astéroïde. Pourtant, pour beaucoup d'usagers accoutumés à jauger la vélocité d'un modèle en fonction de la marque, la confusion d'une Taurus aux accélérations de S6 (Audi) et autres M5 (BMW) a de quoi sidérer. Mais pas autant que la même Taurus attaquant, dans ses habits de limousine, les courbes des routes secondaires. Un éléphant peut-il cacher un guépard?

Il y a 20 ans, Ford a installé un V6 3 litres (220 chevaux) conçu en association avec Yamaha sous le capot d'une Taurus: la première SHO était née!

Au fil des années, la SHO n'a cessé de revoir à la hausse ses ambitions (3,2 litres puis V8 3,4 litres) jusqu'en 1999, année où ce modèle a quitté notre orbite. De cette époque, on retient la première mouture qui, équipée d'une boîte manuelle à 5 rapports, était un véritable foudre de guerre et sans doute la plus pure, la plus originale, bref, celle avec laquelle on voulait prendre rendez-vous.

Donc, après un hiatus de 10 ans, Ford réintègre la SHO à son catalogue. On en est à la quatrième génération de ce modèle hors série qui nous propose, une fois encore, sa propre interprétation de ce que peut être une grande berline sportive, à une époque où l'on craint plus la suspension de permis que d'avoir à maîtriser la cavalerie d'une voiture de plus de 350 chevaux.

D'ailleurs, cet anachronisme est souligné dans les mesures réalisées durant cet essai: 0-100 km/h en 5,72 secondes et vitesse de pointe limitée (électroniquement) à 214 km/h... Alors, si cette relance de la SHO, après une absence de près de 11 ans, vous semble incompatible avec la sévérité accrue des contrôles de vitesse sur nos routes, c'est que vous n'avez rien compris aux intentions de la marque à l'ovale bleu. Celle-ci souhaite que la SHO serve de détonateur et fasse exploser les ventes de la Taurus qui fait l'objet d'une refonte importante cette année.

Pas trop d'excès

Donc née du tuning, c'est-à-dire de la voiture de série détournée de son emploi originel par une préparation mécanique adéquate, la SHO (Super High Output) est vendue, garantie et entretenue par le réseau officiel de Ford. Comme la Taurus dont elle dérive, sans trop d'excès.

De fait, la SHO n'arbore ni bandes de course, ni châssis surbaissé, ni aileron stabilisateur à l'arrière. Seuls les trois petits logos SHO, les deux embouts d'échappement chromés, le becquet déposé sur le couvercle du coffre permettent aux connaisseurs de l'identifier.

Sous le capot se trouve un V6 3,5 litres EcoBoost qui délivre pour le compte de la SHO 365 chevaux et presque autant de couple. Gavé par deux turbos, ce six-cylindres s'alimente par un système d'injection directe d'essence et compte sur un dispositif de calage variable. Sans vraiment rugir pour rester conforme à une supposée utilisation familiale, ce moteur semble ne jamais s'essouffler ni même se presser. En un mot, il manque de caractère.

Un peu décevant

Où est le coup de fouet attendu? Pas de temps de réponse, pas de chevauchée héroïque, juste une plage très linéaire. Même les engrenages dentelés des six rapports de la boîte semi-automatique - on peut les sélectionner manuellement par impulsion au moyen des deux timides palettes installées derrière le volant - ne parviennent pas à piquer cette mécanique. Surtout si vous laissez le sélecteur à la position «D» (Drive), qui s'empresse d'escalader les rapports pour favoriser la consommation - au demeurant intéressante compte tenu des performances et par rapport à une mécanique de plus forte cylindrée, mais pas aussi extraordinaire que les chiffres avancés par Transports Canada. Sans doute que l'explication se trouve dans le faible kilométrage de notre exemplaire d'essai.

Reclus dans un lourd châssis visiblement conçu pour ne laisser filtrer aucun bruit parasite, ce moteur peine à nous donner la chair de poule. Mais ce n'est là qu'une impression puisque notre accéléromètre électronique a tôt fait de nous rappeler que cette SHO est aussi vive que bien des berlines réputées plus rapides et parfois hors de prix.

Maintenant, seriez-vous prêt à danser la «danse des canards» vêtu d'un scaphandre? Non. Et à attaquer les lacets d'une route sinueuse avec une voiture de près de 5,2 m de long et d'un poids qui frise les deux tonnes? Probablement pas non plus. Envie de tenter votre chance? Pourquoi pas, d'efficaces béquilles électroniques veillent à corriger - en partie - vos excès d'audace. On accélère le rythme et contre toute attente, ce ne sont pas les dimensions de l'auto qui gênent le plus, mais plutôt le manque de vivacité de la direction. Précise sans doute, mais lunatique tout de même pendant les manoeuvres rapides, ce qui nuit à la confiance que l'on éprouve quand le paysage défile en accéléré.

On s'en doute un peu, cette SHO n'est pas très agile non plus. Son comportement est neutre, sa motricité efficace même si le revêtement vire au gras, ses mouvements de caisse bien maîtrisés, mais on ne peut ajouter la mention «agréable à conduire sportivement» à notre appréciation globale.

En fait, on a l'impression de se trouver aux commandes d'un jeu vidéo, tellement la conduite apparaît synthétique, presque chorégraphiée. Mais on revient rapidement à la réalité puisque l'usage intensif des freins fait inévitablement apparaître un échauffement.

Tout le monde à bord

Incontestablement, le plaisir de conduire est moins grisant que celui escompté, mais la SHO a la capacité de transporter cinq personnes et leurs bagages dans un confort étonnant, une vertu plutôt rare dans cette catégorie.

Dans cette version sportive, le tableau de bord abandonne ses insertions de faux bois un peu kitsch - ou classique, c'est selon - au profit d'un fini mimant la fibre de carbone. Le dessin à géométrie symétrique de part et d'autre de l'immense console ne manque ni d'originalité ni de rangements. Le bloc d'instruments est nouveau, tout comme le dessin du levier de vitesse. Mais ce qui retient surtout l'attention à bord de cette Ford, c'est la qualité de l'assemblage, aussi soignée que celle d'une Lincoln.

Dans cette Ford, on se sent un peu posé comme dans une voiture de maître, plutôt haut, donc, dominant la route et ses pièges, et non à bord d'une berline aux aspirations sportives. Alors un éléphant peut-il cacher un guépard? Oui, mais seulement s'il file en ligne droite et n'a pas à s'arrêter trop fréquemment.

ON AIME

Le volume du coffre

Les places spacieuses

La qualité de fabrication

ON AIME MOINS

L'encombrement et le poids

La direction engourdie

Le manque de caractère de la mécanique

CE QU'IL FAUT RETENIR

Fourchette de prix : 29 999 $ à 48 199$

Prix du modèle essayé : 51 149$

Frais de transport : 1 350 $

Garantie de base : 36 mois/60 000 km

Consommation obtenue lors de l'essai : 12,1 L/100 km

Pour en savoir plus : www.ford.ca

SURVOL TECHNIQUE

Moteur : V6 DACT 3,5 litres suralimenté par turbocompresseurs

Puissance : 365 ch à 5500 tr/mn

Couple : 350 lb-pi à 3500 tr/mn

Poids : 1981 kg

Rapport poids/puissance : 5,42 kg/ch

Accélération (0-100 km/h) : 5,72 secondes

Mode : intégral (quatre roues motrices)

Transmission de série : semi-automatique 6 rapports

Autres transmissions : aucune

Direction/diamètre de braquage : crémaillère/ 12,05 m

Freins/ABS : disque/de série

Pneus (de série) : 245/45R20

Capacité du réservoir/essence recommandée : 72 litres/super