La semaine qui commence risque d'être encore plus folle que la dernière. La chasse est ouverte et on ne sait plus qui est chasseur et qui est chassé. Voyez cette étonnante attaque du maire contre un ancien directeur général.

Tout ça deux jours après la sortie de l'ex-chef de l'opposition, Benoit Labonté, qui veut contribuer à exposer le système «mafieux» qui ronge l'hôtel de ville.

Mais au fait, que faisait-il au temps chaud, ce brave Benoit Labonté? Il dansait avec les autres. Son soudain accès de vertu démocratique lui est monté comme une fièvre au moment de son éjection politique. Avant, il entendait réformer les choses «de l'intérieur».

Ah oui?

Selon ses propres aveux, il était complice du système de financement illégal de la politique municipale. Au moins par omission. Manifestement, M. Labonté nous fait encore plein de petites cachoteries.

Comment ne pas penser qu'il était partie prenante du système de financement illégal des campagnes électorales? Or, c'est le financement illégal qui rend possible le système mafieux d'attribution des contrats. C'est la porte d'entrée des entrepreneurs véreux.

Il insiste pour dire à Radio-Canada qu'il n'a rien fait d'illégal. Il concède uniquement des accrocs à l'éthique.

Mais sa manière de dénoncer le système de financement des partis comme totalement hypocrite nous suggère que c'était une réalité qu'il acceptait comme une fatalité pas trop fatale.

Les 200 000$ en comptant que son organisation a reçus d'entrepreneurs, c'était pour sa campagne au leadership, qui n'est pas soumise (pour l'instant) à la loi électorale. Donc, c'était légal. Mais pas éthique, il en convient.

Croyez-vous que les organisateurs qui vont quêter chez les asphalteurs et les ingénieurs pour le leadership deviennent légalistes pour les campagnes électorales? Moi non plus.

Et puis, pour un homme qui a peur des poursuites, Benoit Labonté ne s'est pas gêné pour identifier clairement Bernard Trépanier comme un «monsieur 3%». La cheville ouvrière d'un système de ristournes, ce n'est pas rien! On n'est plus dans les infractions à la loi électorale, il y a des articles du Code criminel là-dessus! M. Trépanier nie et demande rétractation, d'ailleurs.

Un auditeur raisonnable de ses confessions est en droit de se demander si ces aveux ne s'arrêtent pas là où commence la complicité de M. Labonté dans tout ce système qu'il dénonce.

Sinon, ça fait beaucoup de ouï-dire et de rumeurs. Il ne ferait pas un témoin très utile pour une commission d'enquête, s'il n'a fait que des déductions et des recoupements à partir de choses murmurées à répétition.

Se peut-il que ce témoin ait d'autres choses importantes à dire, mais qu'il ne les dira pas sans la protection de la loi? Devant une commission d'enquête, par exemple?

Il n'a pas tout dit, mais il en a dit. Et s'il n'a pas apporté de preuves directes sur l'existence d'un «système mafieux», il y a maintenant trop d'indices inquiétants pour ne pas commencer à accréditer cette thèse. Trop de choses ont été trop bizarres ces dernières années à la Ville de Montréal pour qu'on blâme la «mauvaise gestion» et le hasard bureaucratique.

Je rappelle simplement quelques faits:

Les irrégularités dans la vente (au rabais) de terrains de la Ville à des entrepreneurs, révélées par le vérificateur général de la Ville.

Les changements de structure insolites, critiqués par le même vérificateur, qui ont facilité ces ventes.

Un contrat de compteurs d'eau entaché d'irrégularités, notamment des règles de financement qui changent une fois le gros de la compétition écarté. Un contrat dont la valeur après 25 ans est de 600 millions.

Des liens inappropriés entre l'entrepreneur Tony Accurso et l'ex-président du comité exécutif de la Ville, Frank Zampino, en plein pendant la période de négociation de ce contrat, que son entreprise a décroché avec le consortium GÉNIeau.

Et le clou, vendredi, l'enquête d'André Noël dans La Presse: des entrepreneurs concurrents dans l'appel d'offres des compteurs d'eau se seraient retrouvés ensemble sur le bateau de Tony Accurso. Pourquoi? Et pour quoi?

On apprend dans cette même enquête que ce Bernard Trépanier joue un rôle absolument étonnant pour un type qui ne faisait que s'occuper de financement pour le parti de Gérald Tremblay. Non seulement pour l'organisation de voyages en bateau, mais pour la distribution de contrats et diverses affaires avec Frank Zampino lui-même. À quel titre se mêle-t-il de tout cela?

Tout ça pour dire que le témoignage de Benoit Labonté est sans doute à considérer prudemment, vu l'absence de preuve directe. Mais ce qu'il dit est une des explications possibles et crédibles des choses troublantes qu'on a vécues. On peut craindre raisonnablement que l'administration de la métropole du Québec soit sous influence occulte. Quel que soit le résultat des enquêtes policières (et la création d'une escouade mixte est une bonne nouvelle), il faut maintenant vider le sujet.

La semaine qui vient de passer nous aide à circonscrire un sujet d'enquête publique: l'intégrité de l'administration municipale montréalaise. Cela comprend le financement des partis et la gestion des appels d'offres de service, tant des entrepreneurs que des professionnels.

On avance.