Pour la troisième année consécutive, les directeurs de la protection de la jeunesse (DPJ) du Québec ont enregistré l'an dernier une légère hausse du nombre de signalements. L'appauvrissement des familles en serait la principale cause.

En 2009-2010, les DPJ ont traité un total de 70 716 signalements, soit 1000 de plus que l'année précédente. De ce nombre, un peu plus de 30 000 ont été retenus, selon le bilan annuel publié lundi, intitulé La négligence, faites-lui face.

Les DPJ ont choisi de mettre l'accent sur la négligence parce qu'elle constitue encore une fois le motif le plus souvent invoqué lors d'un signalement. L'an dernier, près de 4 signalements sur 10 concernaient des cas de négligence ou de risque sérieux de négligence.

Le bilan 2009-2010 fait état de 600 cas de négligence de plus que l'année précédente. Les situations d'abus physiques, de mauvais traitements physiologiques et de troubles du comportement sont également en hausse.

Dans la grande région de Montréal, les signalements ont augmenté dans Lanaudière (+8,1%) et en Montérégie (+5,6%), mais ils sont restés relativement stables à Montréal, à Laval et dans les Laurentides.

Ce constat s'explique en partie par l'exode des familles montréalaises vers les banlieues éloignées, selon Sonia Gilbert, directrice de la protection de la jeunesse de la Montérégie. Lorsqu'elles déménagent, les familles défavorisées se retrouvent parfois isolées.

D'ailleurs, l'augmentation des signalements au Québec s'explique «surtout par une situation socio-économique plus difficile et le stress qu'elle engendre», selon Sonia Gilbert, qui constate depuis cinq ans une hausse des problèmes de toxicomanie et de santé mentale dans les familles.

D'autres facteurs expliquent l'augmentation du nombre de signalements, dont les programmes de prévention, les campagnes de sensibilisation et une meilleure accessibilité des CPE, selon Mme Gilbert.

La moitié des enfants placés

Par ailleurs, près de la moitié des enfants suivis par la DPJ sont retirés de leur milieu familial (9332 sur 20 068). De ce nombre, la plupart sont placés en famille d'accueil. Comment expliquer cette forte proportion? «Lorsque les cas arrivent jusqu'à nous, la situation est déjà dégradée», dit Sonia Gilbert. Elle assure que, dans la mesure du possible, la DPJ préfère que l'enfant reste auprès des siens.

Sophie, 39 ans, a pu garder ses deux filles malgré l'intervention de la DJP. Lundi, la Montréalaise a accepté de raconter son histoire en marge de la conférence de presse. «On entend souvent parler des choses négatives à propos de la DJP ; je voulais donner un autre point de vue», a-t-elle dit.

Elle reconnaît que, lorsque la DPJ a cogné chez elle, en 2006, sa première réaction a été la colère. À l'époque, sa fille avait 1 an et elle était enceinte de sa deuxième.

Tranquillement, Sophie et son conjoint ont accepté de suivre les conseils de l'intervenante. Ils ont consenti à soigner leurs problèmes de santé mentale et à prendre les rendez-vous nécessaires pour leurs filles. Le 26 août dernier, la DPJ a fermé le dossier, satisfaite des progrès de Sophie et de son conjoint.

«Dans le fond, ça a été une bonne chose que la DPJ soit venue dans nos vies. Je ne pense pas que les filles seraient rendues où elles le sont, et notre santé mentale ne se serait pas améliorée non plus», a conclu Sophie, qui vient tout juste de retourner aux études.