Après avoir subi cette semaine un revers contre le Directeur général des élections (DGE), l'ancien ministre de la Justice, Marc Bellemare, a répondu par la bouche de ses canons en réclamant à la Cour supérieure l'annulation de la commission Bastarache sur la nomination des juges.

Tirant tous azimuts, M. Bellemare soutient que l'enquête publique, mandatée pour faire la lumière sur ses allégations de trafic d'influence, est «illégale, abusive et biaisée». Il réclame d'ailleurs au tribunal de casser son assignation à comparaître devant cette instance.

Dans sa requête signifiée jeudi, l'ancien ministre accuse le premier ministre Jean Charest d'avoir abusé de ses pouvoirs en mandatant la commission.

Selon le document, cette décision «ne constitue rien de moins qu'un geste vengeur du premier ministre, frustré du fait que (M. Bellemare) a choisi de servir l'intérêt public en faisant connaître sa complicité, sa complaisance et sa frilosité face à des influences indues dans le cadre de certaines nominations et de l'abandon de certaines orientations législatives».

L'ancien ministre soutient qu'il n'a «jamais contesté ni même critiqué le processus de nomination des juges, mais plutôt l'ingérence indue et malsaine de certains amis politiques du premier ministre dans trois nominations à la Cour du Québec».

M. Bellemare réclame l'annulation de la nomination de l'avocat Michel Bastarache, un ancien juge de la Cour suprême du Canada qui préside l'enquête publique.

Après avoir déjà soulevé des questions sur son impartialité, l'ex-ministre soutient que M. Bastarache manque d'indépendance parce que sa nomination a été décidée par M. Charest et qu'il travaille pour un cabinet d'avocats, Heenan Blaikie, qui bénéficie de contrats gouvernementaux.

M. Bellemare croit que M. Bastarache n'est pas en position de déterminer si M. Charest a menti lorsqu'il a nié, cet hiver, avoir été informé par son ex-ministre que des collecteurs de fonds libéraux influençaient la nomination des magistrats.

«(M. Bastarache) est dans l'impossibilité (...) de nuire et même d'indisposer de quelque façon le premier ministre dans la gestion de son enquête et dans l'appréciation des témoignages sans risquer de compromettre les liens personnels, professionnels et financiers qui le lient ainsi que l'étude d'avocats à laquelle il appartient», indique la requête.

La requête sera entendue le 17 août en Cour supérieure, soit trois jours avant la date prévue pour que M. Bellemare se présente devant le DGE, et une semaine avant celle de sa comparution devant la commission Bastarache.

M. Bellemare veut aussi obtenir la suspension des travaux de la commission en attendant une décision des tribunaux dans ce dossier ainsi que dans celui d'une poursuite en diffamation intentée contre lui par M. Charest.

Après avoir pris connaissance de la requête de M. Bellemare, M. Bastarache s'est refusé à tout commentaire, indiquant seulement que ses travaux reprendront comme prévu le 24 août.

Dans des déclarations fracassantes aux médias, M. Bellemare a affirmé en avril dernier qu'il avait nommé des juges après avoir subi des pressions de collecteurs de fonds du Parti libéral du Québec (PLQ).

M. Bellemare a soutenu qu'il s'en était plaint à M. Charest, ce que le premier ministre a nié, avant de mandater M. Bastarache et d'intenter une poursuite civile de 700 000 $ contre son ancien ministre.

Dans sa requête, M. Bellemare accuse d'ailleurs M. Charest d'abuser de ses pouvoirs de premier ministre en mandatant l'enquête publique «dans le but manifeste de favoriser sa poursuite en diffamation».

Jeudi, quelques heures avant de lancer cette nouvelle charge contre la commission Bastarache, M. Bellemare a subi un cuisant revers lorsque la Cour supérieure lui a ordonné d'aller témoigner devant le DGE, qui souhaite l'entendre au sujet d'allégations de financement illégal au PLQ.

M. Bellemare a exprimé son intention d'en appeler de la décision, qui lui impose d'aller faire entendre ses objections devant l'instance qui l'a assignée.

Durant l'audience, présidée par le juge Yves Alain, il a été établi que le DGE avait des pouvoirs comparables à ceux d'une commission d'enquête.