Un portier de bar aux gros bras mais au dossier criminel bien garni ; un agent de sécurité qui ne connaît rien à sa profession ; un serrurier plus ou moins honnête... Avant, ce type d'individus pouvait travailler sans contrainte au Québec. À partir de maintenant, toutefois, ce ne sera plus possible.

Quatre ans après son adoption à l'Assemblée nationale, c'est aujourd'hui que la nouvelle Loi sur la sécurité privée entre en vigueur dans son intégralité. Elle assujettit les quelque 30 000 ou 40 000 travailleurs de l'industrie à des règles beaucoup plus strictes que la loi précédente, qui datait de 1962.

L'ancienne loi encadrait seulement les activités des détectives privés et des agents de sécurité qui travaillent pour des agences comme Garda, Kolossal ou Securitas. Aujourd'hui, toute l'industrie est visée : les agents de sécurité qui travaillent pour des entreprises privées ou publiques, les portiers, les installateurs de systèmes d'alarme, les conseillers en sécurité, les convoyeurs de valeurs et même les serruriers.

«C'est un changement majeur qui viendra professionnaliser et mieux encadrer l'industrie», indique Me Serge Roberge, directeur général du Bureau de la sécurité privée (BSP). Créé en 2006, le BSP est chargé de veiller à l'application de la loi et de ses règlements. 

Tous les travailleurs et les agences assujettis à la nouvelle loi devront obtenir un permis du Bureau de la sécurité privée. À partir d'aujourd'hui, ils ont six mois pour ce faire, précise Me Roberge.

Pour être admissibles, les candidats ne pourront avoir d'antécédents criminels en lien avec leur profession, à moins d'avoir obtenu un pardon. Et s'ils n'ont pas assez d'expérience, ils devront suivre une formation de 70 à 135 heures.

Comme les policiers, les travailleurs qui obtiendront leur permis devront observer des normes de comportement, explique Serge Roberge. «Si un citoyen demande à un agent de s'identifier, il aura l'obligation de le faire, explique-t-il. Le citoyen qui s'estime maltraité pourra porter plainte auprès du Bureau de la sécurité privée.»

Le BSP aura également un pouvoir d'investigation, souligne Me Roberge. Si un agent se fait prendre à travailler sans permis, il est passible d'amendes de 500 $ à 10 000 $.

L'industrie se réjouit

Les acteurs de l'industrie ont salué mercredi l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, qui aura selon eux un impact positif sur la reconnaissance des emplois du domaine de la sécurité privée.

«Certaines personnes voyaient encore le métier d'agent de sécurité comme un travail que l'on fait en attendant, souligne Lynda Vachon, présidente de l'Association québécoise de l'industrie de la sécurité. Or, la nouvelle loi reconnaît notre métier, elle lui donne ses lettres de noblesse.»

Selon Mme Vachon, la loi de 1962 n'était plus du tout adaptée à la réalité. L'industrie de la sécurité a grandement évolué et elle est de plus en plus présente dans notre société, souligne-t-elle. Le nombre d'agents est passé de 20 000 en 2004 à 27 000 aujourd'hui, selon le BSP.

La nouvelle loi pourrait également améliorer l'image des portiers, selon Renaud Poulin, président de la Corporation des propriétaires de bars, brasseries et tavernes du Québec. Les candidats qui ont des antécédents en matière de violence ou de crime organisé ne pourront obtenir de permis.

«Dans les années passées, des gens ont perdu la vie dans certains accidents impliquant des portiers, rappelle M. Poulin. Depuis, les propriétaires forment mieux leurs employés, mais certains d'entre eux engagent encore des personnes pour leur taille et leur force, quasiment le bagarreur du coin.»

Gaston Lafleur, président-directeur général du Conseil québécois du commerce de détail, voit lui aussi d'un bon oeil la nouvelle loi. Plusieurs de ses membres engagent des gardiens de sécurité qui, jusqu'à aujourd'hui, n'étaient assujettis à aucun cadre législatif.

«Nous avons espoir que la nouvelle loi améliore la qualité des services et le professionnalisme des agents», dit-il.