Le maire de Québec, Régis Labeaume, est le porte-étendard du populisme qui sévit à Québec depuis Andrée Boucher. Il incarne le refus de l'élitisme associé aux partis politiques et à l'ex-maire Jean-Paul L'Allier, le même populisme qui a sévi dans l'affaire des radiopoubelles.

Tel est le constat qu'a fait un chercheur de l'École nationale d'administration publique (ENAP) à un colloque sur la politique dans les villes québécoises au congrès de l'ACFAS, cette semaine. «La rupture est venue avec l'élection d'Andrée Boucher en 2005», explique Serge Belley de l'ENAP, dans une entrevue en marge de sa présentation. «M. L'Allier a été maire pendant 16 ans et il était perçu comme un maire proche des élites. Andrée Boucher a montré qu'on pouvait se faire élire en tant qu'indépendante dans une ville de 500 000 habitants au Québec. Elle a donné le ton avec ses attaques contre les partis politiques.»

 

Régis Labeaume a continué dans la même veine. Y a-t-il un lien avec l'antiélitisme des radiopoubelles qu'incarne par exemple l'animateur Jeff Fillion? «Il a canalisé le vote d'une partie de cet auditoire, dit M. Belley. Il est proche de ce type de radio. C'est le même antiélitisme que Jeff Fillion.»

Concurrence avec Montréal?

Le sentiment de compétition avec Montréal joue-t-il un rôle? «Le thème de M. Labeaume est la fierté retrouvée, dit M. Belley. Il veut mettre fin à la stagnation de Québec, repositionner Québec par rapport aux autres villes, dont Montréal. Ce n'est pas nécessairement un sentiment hostile à Montréal, mais une fierté de Québec sur le plan international.»

Les fusions municipales sont à la source de ce phénomène, selon M. Belley. «Ça a créé des villes assez importantes pour être autonomes au point de vue de l'expertise et de la capacité fiscale. Ça permet à un maire centralisateur d'avoir les moyens de ses ambitions. C'est la même chose à Saguenay, Lévis et Trois-Rivières.»

L'étude de M. Belley fait partie d'un projet interuniversitaire qui s'est aussi penché sur d'autres villes, dont Montréal et Laval. «Il y a une bonne littérature américaine sur la politique dans les grandes villes, mais il n'y avait rien au Québec», explique Laurence Bherer, de l'Université de Montréal, qui s'est penchée sur le cas de la ville de Laval. «Les fusions ont permis de créer suffisamment de villes de plus de 100 000 habitants pour qu'on puisse lancer ce projet.»

Les études américaines concluent que les grandes villes de banlieue sont celles où le «déficit informationnel» est le plus grand. «Dans les métropoles comme Montréal, il y a d'autres institutions de surveillance, comme le vérificateur général, dit Mme Bherer. Dans les petites villes de banlieue plus proches de 100 000 habitants, les liens informels sont encore assez forts pour que les élus se fassent poser des questions. Mais dans les villes de la taille de Laval, par exemple, seuls les gens qui ont des intérêts directs dans les décisions de la municipalité, comme les parents ou les entreprises, participent aux débats. C'est ce qui explique, selon moi, la réélection du maire Vaillancourt depuis si longtemps.»

Et Montréal? Les études préliminaires de la chercheuse qui s'est penchée sur son cas, Anne Latendresse, de l'UQAM, montrent que le système électoral, avec ses conseillers municipaux et des arrondissements distincts, est trop compliqué pour certains électeurs. «Dans les quartiers où il y a une forte concentration de personnes peu scolarisées, il y avait des taux de bulletins annulés de 7%, 8%. Ce n'est pas normal.»