Quatre anciens employés de la firme de sécurité BCIA affirment que les odomètres de plusieurs véhicules de l'entreprise ont été manipulés entre 2006 et 2009. Ils étaient conscients du fait que ce geste était criminel, mais leur patron disait que c'était des «bagatelles».

BCIA est cette firme de 1000 employés qui s'est placée sous la protection de la Loi sur la faillite le mois dernier. C'est elle qui avait fourni une carte de crédit de Petro-Canada au député Tony Tomassi.

«Un jour, quand j'ai pris mon véhicule, j'ai constaté que l'odomètre indiquait 100 000 km de moins que la veille», a dit un ancien patrouilleur à La Presse sous le sceau de la confidentialité.

Le préposé à l'entretien des véhicules lui a confirmé que des odomètres étaient régulièrement manipulés. «Il m'a expliqué que le kilométrage était reculé pour préparer la vente du véhicule ou encore pour faire passer une réparation sur la garantie», a dit le patrouilleur.

La plupart des constructeurs de véhicules ne garantissent plus les pièces après 60 000 km. Si une pièce brise, la réparation est alors aux frais du propriétaire ou du locataire. En réduisant le kilométrage indiqué au compteur, il est possible de ne rien payer. Cela permet également aux locataires d'éviter de payer des frais lorsque le kilométrage excède la limite prévue au contrat.

L'ex-patrouilleur conduisait un Chevrolet TrailBlazer (un véhicule blanc, dont il nous a fourni la photo). Il a écrit une lettre à un représentant du constructeur, General Motors, pour dénoncer ces manipulations, mais sa plainte est restée sans réponse.

Modifier le kilométrage d'un véhicule est un acte criminel, indique le capital Luc Thibault, de la GRC. Un tel acte s'apparente à une fraude et est punissable de 2 à 14 ans de prison.

BCIA disposait d'un parc d'environ 80 véhicules, généralement des Chevrolet. Les patrouilleurs consignaient le kilométrage de leur véhicule dans un rapport quotidien.

Un autre ex-employé raconte pour sa part avoir demandé au patron pourquoi le kilométrage d'un véhicule avait été modifié. «Je suis allé poser des questions au patron et il m'a dit de laisser faire ça, que c'était des bagatelles», a-t-il affirmé à La Presse.

Il s'agissait cette fois d'un Chevrolet Impala blanc marqué du logo de BCIA, conduit par un de ses collègues. L'odomètre était passé de 85 000 à 21 000 km au cours de la nuit. À une autre occasion, il a constaté que le kilométrage de son ancien véhicule avait baissé d'environ 20 000 km.

Cet ex-employé nous a transmis le nom du mécanicien qui, selon lui, s'occupait de manipuler les odomètres. Il agissait sous les ordres d'un tiers, a-t-il ajouté.

Un troisième employé dit avoir été témoin plus d'une fois de la manipulation d'odomètres. Il a notamment constaté un jour que le kilométrage de son véhicule avait été réduit d'environ 10 000 km, passant d'un peu plus de 60 000 km à un peu plus de 50 000 km.

«Ça ne m'a pas étonné, a-t-il dit. Ça se passait couramment chez BCIA. J'ai été plus surpris avec un autre Chevrolet. Chaque fois que je le rentrais au garage, le kilométrage descendait. C'était devenu un sujet de blague parmi les employés.»

Un quatrième employé dit avoir vu de ses propres yeux le mécanicien modifier des odomètres. «Il faisait ça le soir ou la nuit. Il avait un ordinateur avec un programme qu'il branchait directement dans les véhicules», dit-il.

Nous avons tenté de joindre le président de BCIA, Luigi Coretti. Son porte-parole, Alexandre Dumas, nous a assuré lui avoir transmis le sujet de notre reportage, mais nous n'avions pas reçu de réponse au moment de mettre sous presse.