Gilles Thibault s'occupe des ex-détenus qui ont passé une bonne partie de leur vie en prison. Des hommes âgés, vulnérables qui se retrouvent dans la rue, «poqués», sans ressource, seuls.

À 60 ans, les détenus ont peur de la «vraie vie», celle qui se déroule en dehors des murs du pénitencier où ils ont vécu pendant 20 ou 30 ans.

Gilles Thibault en sait quelque chose. En 1975, il a été condamné à 13 ans de prison pour meurtre.

«La chose la plus difficile que j'ai vécue, ce n'est pas mon incarcération, mais ma libération.»

En 2007, il a ouvert une maison de chambres dans le quartier Saint-Henri, à Montréal, le Léo's Boys. Elle abrite neuf chambreurs. Des ex-détenus. Ils paient 325$ par mois pour une chambre, comprenant le téléphone, l'internet et le câble. La plupart ont plus de 55 ans. Les règles sont strictes: pas de drogue, pas d'alcool.

«On essaie de leur donner un coup de pouce pour leurs rendez-vous à l'hôpital et on les inscrit sur des listes d'attente dans les HLM.»

La population vieillit. Les prisons ne sont pas à l'abri du phénomène. «Quand j'étais en prison, les détenus étaient jeunes. Aujourd'hui, on a des chaises roulantes et des marchettes, affirme M. Thibault. Dans les maisons de transition, on a besoin de gérontologues, pas de criminologues.»

Gilles Thibault ne reçoit aucune subvention. Il boucle ses fins de mois avec le loyer payé par les chambreurs. Au début, il voyait grand. Il voulait ouvrir au moins cinq maisons de chambres. Mais il se sent un peu dépassé par l'ampleur de la tâche.

«Je commence à être fatigué. Les détenus sont de plus en plus vieux. Quand ils sortent de prison après une longue peine, ils sont seuls, ils n'ont plus de famille. Qu'est-ce qu'on fait avec ce monde-là?»