La présence de tags a pris de nouvelles proportions à Saint-Léonard. On en trouve un peu partout sur les murs des écoles, les commerces et le mobilier public situés dans les «corridors scolaires».

«Dans certains secteurs, c'est devenu une hantise. Les marchands se plaignent, et on ne parle que de ça, ces graffitis propres aux gangs de rue», croit un citoyen croisé dans la rue. Comme d'autres, il a peur et refuse de donner son nom.

Même si rien ne démontre que tous ces bombages sont l'oeuvre de gangs de rue - ils pourraient tout aussi bien avoir été griffonnés par des jeunes au fait de la culture hip-hop ou qui se prétendent membres d'un gang afin de se valoriser -, les citoyens de Saint-Léonard sont inquiets. Enclavés entre les quartiers chauds de Saint-Michel et Montréal-Nord, où la police met une pression constante, les gens craignent que les gangs migrent chez eux.

«On a l'impression de vivre sur un champ de mines. On ne sait jamais quand ça va exploser», enchaîne un commerçant qui a récemment été témoin d'un face-à-face entre deux gangs de jeunes qui se menaçaient avec des armes de poing. Un policier qui se trouvait par hasard dans les parages a donné l'alerte. À l'arrivée des premiers patrouilleurs, les suspects avaient déguerpi. «Depuis, je garde un bâton de baseball à portée de la main», a confié le propriétaire d'un dépanneur.

Selon les citoyens, ce n'est pas un hasard si l'on trouve sur le chemin des écoles les mêmes tags évoqués dans les vidéos et les chansons de rappeurs qui s'affichent sur l'internet. «Dans le langage des gangs, on parle notamment de Saint-Léonard et du East Side Trece, un gang d'allégeance bleue actif dans l'est de la ville», explique un citoyen qui suit le dossier de près. «Si ce n'est pas du marquage de territoire, c'est quoi ?» se demandent les personnes interrogées.

«Il n'y a pas de problème de gangs de rue à Saint-Léonard. Il y a peut-être des jeunes criminels qui fraternisent ou qui font des affaires de loin avec eux, mais on s'en occupe», insiste le commandant Sylvain Arsenault, du poste de quartier 42. Au fil d'une opération d'infiltration qui s'est terminée à la mi-juin, les policiers ont arrêté 17 petits revendeurs de drogue. Deux d'entre eux ont aussi été accusés pour le braquage d'un citoyen qui retirait de l'argent à un guichet automatique.

Dans les jours qui ont suivi, les policiers ont frappé aux 334 portes du Domaine Renaissance afin de rassurer les résidants de ce vaste complexe d'habitations à loyer modique. Ils ont aussi rencontré les citoyens et les commerçants des alentours. «Depuis, c'est plus tranquille», assure le commandant.

Bienvenue les murales

Devant ce problème, certains commerçants prennent les grands moyens en effaçant les graffitis et en installant des caméras de surveillance. Lors du passage de La Presse, un artiste graffiteur et un photographe s'affairaient à transformer un mur de la Plaza Toulon, située près de l'hôtel de ville de Saint-Léonard, en une immense fresque très colorée où les animaux étaient en évidence.

«On espère décourager les tagueurs. Qu'ils appartiennent à un gang de rue ou qu'ils agissent seuls, ça reste un problème», explique l'administrateur du petit centre commercial du boulevard Lacordaire, Costa Kiskiras. «Avant, c'était tagué, et peu rassurant. Maintenant, avec toutes ces couleurs, c'est beaucoup plus attrayant pour la clientèle et pour l'ensemble du voisinage», ajoute l'homme d'affaires.

En cette période de rentrée scolaire, la plupart des écoles de l'arrondissement ont tout effacé. C'est notamment le cas de l'école secondaire Antoine-de-St-Exupéry, dont les murs étaient tapissés d'inscriptions identifiées au «gang de la 18e Rue», très actif dans le quartier Saint-Michel. D'allégeance rouge, cette bande de jeunes Latino-Américains affiliée aux Bloods rivalise avec le «gang de la 13e Rue». Autre groupe latino, celui-ci est associé à la faction des bleus, dont on trouve la marque sur les murs d'autres écoles ou sur des boîtes aux lettres, des poteaux et des panneaux électriques.