Enquête bâclée, camouflage policier, voire les deux. C'est ainsi que l'avocat Lloyd Fischler voit la preuve présentée au procès de son client, Daniel Topey, accusé de tentative de meurtre sur le policier qui lui a tiré une balle dans la nuque.

Hier, lors de sa plaidoirie, Me Fischler a invité le juge Denis Lavergne à acquitter l'homme de 23 ans, en raison d'une preuve «incongrue et invraisemblable». Il y a énormément de place pour le doute raisonnable, croit l'avocat.

 

Topey reconnaît qu'il vendait de la drogue à l'époque des incidents, et qu'il avait chez lui une arme «non fonctionnelle», des munitions, et les paroles d'un rap disant «I want to kill a cop with my glock»; mais il assure qu'il n'a jamais voulu tuer un policier.

Les faits sont survenus le 27 avril 2007, vers 16h40, alors qu'une équipe du Groupe tactique d'intervention du SPVM a surgi d'une camionnette pour arrêter Topey, qui marchait rue Saint-Jacques. Et ce parce que selon un informateur, Topey, connu sous le surnom de Street, vendait de la drogue et rêvait de tuer un policier. Mais voilà, au lieu de figer sur place comme il l'aurait dû, il s'est mis à courir. Au moins trois policiers se sont lancés à ses trousses. Les balles de caoutchouc tirées par un des agents n'ont pas ralenti sa course. Finalement, dans une petite ruelle, des coups de feu ont éclaté, et Topey s'est effondré, atteint d'une balle à la nuque. En attendant l'ambulance, un des policiers a mis son doigt dans le trou de balle pour ralentir l'hémorragie, ce qui a contribué à la survie de Topey.

Le policier qui a fait feu a soutenu au procès que Topey avait tiré le premier, et qu'il avait été contraint de répliquer car il craignait pour sa vie. Toute la poursuite a duré de 10 à 15 secondes. Une arme de calibre .45 (Glock) a été trouvée à cinq pieds de Topey. Il n'y avait pas d'empreintes sur l'arme, mais l'ADN de Topey se trouvait sur le chargeur. Hier, Me Fischler a éludé cet aspect de la preuve lors de sa plaidoirie. Ce que le juge lui a d'ailleurs fait remarquer.

«Lorsqu'il a témoigné, Daniel Topey ne vous a pas parlé de l'arme. Et ma consoeur de la Couronne ne l'a pas contre-interrogé», a répliqué Me Fischler.

Il a ensuite suggéré que l'arme pouvait avoir été «plantée» par les policiers. Et même si Topey avait cette arme, rien ne prouve qu'il avait l'intention de tuer un policier comme l'accusation le soutient, croit l'avocat. Seul le policier qui a tiré a vu l'arme dans la main de Topey. Me Fischler reproche également à la police de n'avoir pas demandé certaines expertises, par exemple pour trouver de la poudre sur le manteau de Topey. Les collusions policières existent encore aujourd'hui, a-t-il dit.

Théorie farfelue, plaide la Couronne

«Farfelue et invraisemblable.» Voilà ce que la procureure de la Couronne, Anne-Marie Otis, pense de la théorie de la défense. «Me Fischler se concentre sur les expertises qui n'ont pas été faites dans l'enquête, mais il reste muet sur celles qui ont été faites et qui incriminent son client», a-t-elle dit.

La scène de crime parle, et ce qu'elle dit correspond aux témoignages des policiers, selon elle. Lorsqu'il courait, Topey a mis ses mains au niveau de sa ceinture, comme pour chercher une arme, affirment les policiers. La défense soutient que c'était plutôt pour tenir son pantalon de style hip-hop, qui ralentissait sa course. Mais hier, Me Otis a sorti la ceinture que Topey portait ce jour-là, et elle l'a nouée autour de sa propre taille, au trou qui semblait usé. Elle allait bien à Me Otis, qui est menue. Topey est mince, mais il mesure 1m88. «Il ne pouvait pas perdre son pantalon avec cette ceinture», a-t-elle lancé.

Tout cela ne serait pas arrivé si Topey s'était arrêté lorsque les policiers ont surgi. S'il s'est enfui, c'est parce qu'il savait qu'il avait une arme sur lui, soutient Me Otis.

En perquisitionnant la chambre de Topey à Notre-Dame-de-Grâce, les policiers ont trouvé de la drogue, de l'argent, et la fameuse chanson avec les paroles violentes. Topey, qui dit avoir écrit au moins 500 raps lui-même, soutient que c'est un ami qui a écrit ces paroles. D'ailleurs, ce n'est pas son écriture, dit-il. Et de toute façon, ce ne sont que des mots. «C'est affaire de culture rap et hip-hop», a fait valoir Me Fischler.

À la fin de la journée, le juge Lavergne a pris le tout en délibéré et a annoncé qu'il rendrait sa décision le 29 septembre.