Sur la porte du bureau d'Alexandra Gilbert, sur la rue de Maisonneuve, il y a une carte géographique de Kaboul et un contrat de mariage afghans.

Alexandra Gilbert coordonne le projet du droit des femmes en Afghanistan, à l'organisme Droits et Démocratie. Ce n'est pas rien. Pourtant, la jeune femme de 34 ans ne comprend pas pourquoi La Presse désire s'entretenir avec elle.

Elle se considère « privilégiée » d'occuper son emploi qui l'a amenée quatre fois à Kaboul. «D'être à l'intérieur d'un pays en transition et de comprendre mieux les choses à ce stade-ci de son histoire, c'est une chance», dit-elle.

Alexandra Gilbert est une voyageuse de nature. «J'aime vivre à Montréal, mais il me faut du dépaysement.»

Il y a environ 10 ans, un stage d'entraide a d'abord mené la bachelière en littérature au Vietnam. «Je suis tombée amoureuse du pays et j'y suis finalement restée un an», raconte-t-elle.

À son retour, elle complète une maîtrise en géographie sur la prise en charge du développement local au Vietnam depuis la réforme économique. Entre-temps, elle est engagée pour le journal Alternatives, et elle retourne plusieurs fois en Asie, que ce soit au Laos, au Cambodge ou au Bangladesh.

Ensuite, «il y a eu une période dure», se souvient-elle. Elle travaille de contrat en contrat, espérant faire du développement international. En novembre 2007, une porte finit par s'ouvrir chez Droits et démocratie, organisme non partisan financé par l'ACDI (Agence canadienne de développement international).

La voilà responsable du projet en Afghanistan. «Quand je suis ici, je fais les relations entre les bureaux de Kaboul, Montréal et de l'ACDI», explique-t-elle.

Quand elle est à Kaboul, dont les employés du bureau sont afghans, c'est une autre histoire. Elle rencontre des parlementaires et des associations de femmes. Lors de son dernier séjour, en avril dernier, Alexandra Gilbert a organisé une conférence internationale sur les réformes du code de la famille entreprises par certains pays musulmans.

Une nouvelle loi venait justement d'être adoptée par le Parlement afghan, interdisant aux femmes de la minorité chiite de refuser des rapports sexuels ou de sortir de chez elles sans la permission de leur mari.

Mais certaines Afghanes ont osé manifester leur mécontentement. «D'être témoin de toute la mobilisation des femmes... c'était historique de les voir manifester dans la rue, raconte Alexandra Gilbert. Les femmes afghanes commencent à investir l'espace public. Elles ne sont pas que des victimes passives.»

«J'ai le privilège de voir ses femmes avancer», ajoute Alexandra, utilisant pour une énième fois un dérivé du mot «privilégiée» lors de notre entretien.

La jeune femme est consciente que c'est une «question de générations» avant qu'un réel changement de mentalités ne se fasse. Des femmes vivent des horreurs et sont retournées à leur mari par leur propre famille, mais elles se confient, «parfois avec beaucoup d'humour», souligne-t-elle.

Prochain séjour au pays du président Hamid Karzaï : mi-septembre. «Après le ramadan et les élections.»