Basil Parasiris est sorti en homme libre du palais de justice de Longueuil, hier après-midi, après que le jury l'eut acquitté du meurtre de l'agent Daniel Tessier, au terme de deux jours et demi de délibérations. Les six hommes et six femmes ont cru sa version de légitime défense. Parasiris soutenait qu'il croyait avoir affaire à des malfaiteurs et non à des policiers.

Il était 16h20, en ce vendredi 13, quand le juré no trois, un employé de Radio-Canada, s'est fait le porte-parole de ses collègues pour prononcer ces mots lourds de sens: «Non coupable.»Sans doute sous le choc, Parasiris, qui se trouvait debout dans le box des accusés, a eu peu de réaction, tandis que sa femme, Penny Gounis, sa soeur Chrisa et son frère Nick, qui se rongeaient les sangs dans la première rangée, ont laissé échapper des cris et des pleurs de soulagement.

Une fois que la séance a été levée, ils se sont tous étreints pour ensuite quitter le palais de justice d'un pas rapide, sans faire de commentaire aux nombreux journalistes qui les talonnaient.

Le maître d'oeuvre de cet acquittement, Me Jacques Larochelle, n'était pas présent, hier. Me Dominique Shoofey, qui l'a assisté, a simplement dit que M. Parasiris était satisfait du verdict et que cela avait été une épreuve pour plusieurs personnes. De son côté, Me Joëlle Saint-Germain, qui représentait la Couronne, a mentionné qu'une équipe de procureurs allait évaluer les possibilités d'interjeter appel. La veuve de l'agent Tessier, qui a assisté à tout le procès, n'était pas présente pour le verdict et a refusé par la suite de s'adresser aux médias. Mort à 42 ans, le policier laissait aussi deux jeunes enfants derrière lui.

Rappelons que le drame s'est joué en moins de 30 secondes, le matin du 2 mars 2007. Après avoir enfoncé la porte à coups de bélier vers 5h10, neuf policiers ont investi le domicile de Basil Parasiris en criant «police» et se sont dispersés dans la maison. Cinq d'entre eux, dont l'agent Tessier, sont montés rapidement à l'étage des chambres.

Réveillé par les cris de sa femme, Parasiris s'est emparé de l'une des trois armes chargées qu'il gardait dans sa penderie et a tiré quasiment à bout portant sur la silhouette qui se trouvait devant la porte de sa chambre. Atteint de trois balles, dont l'une lui a sectionné la carotide et la jugulaire, le policier s'est écroulé tandis que trois de ses collègues répliquaient par des tirs confus.

La femme de Parasiris a été atteinte à un bras tandis qu'un autre policier, Stéphane Forbes, a été touché par la quatrième balle tirée par Parasiris. Au terme du procès, le juge Guy Cournoyer a toutefois décidé qu'il n'y avait pas de preuve pour soutenir une accusation de tentative de meurtre à l'endroit de l'agent Forbes, et il a lui-même acquitté Parasiris de cette accusation sans la soumettre à l'évaluation du jury.

Perquisition illégale

Avant que ne débute le procès devant jury, Me Jacques Larochelle avait réussi à faire déclarer la perquisition illégale. Le juge Guy Cournoyer a en effet décidé que le mandat de perquisition comportait trois grandes failles: les soupçons selon lesquels Parasiris trafiquait des stupéfiants n'étaient pas étayés par une preuve suffisante pour justifier un mandat de perquisition, celle-ci n'était pas censée se faire la nuit et, enfin, la situation ne nécessitait nullement une entrée dynamique comme celle qui a été utilisée, avait-il conclu.

Le jury n'était toutefois pas informé de l'illégalité de la perquisition. D'ailleurs, il a été tenu dans l'ignorance totale des motifs de l'opération effectuée par les policiers de Laval. Copropriétaire du club de golf virtuel Golf-O-Max, à Dorval, Parasiris était fortement soupçonné d'être impliqué dans un réseau de trafic de stupéfiants qui opérait à Laval.

L'homme de 43 ans gardait quatre armes chargées chez lui. Trois d'entre elles avaient été acquises illégalement. En ce qui concerne l'autre, le Ruger de calibre .357 Magnum dont il s'est servi pour tuer l'agent Tessier et blesser l'agent Forbes, il détenait un permis valide, mais seulement pour son ancienne adresse. Cette arme n'aurait donc jamais dû se trouver au nouveau domicile de Parasiris, dans le croissant Rimouski.

Cruelle ironie du sort, c'est l'agent Tessier qui avait fait une vérification auprès du Centre de renseignements policiers du Québec avant l'opération, pour voir si Parasiris avait des armes. Malheureusement, il a vérifié seulement avec l'adresse au lieu de faire aussi une recherche avec le nom du suspect.

La possession illégale des armes et leur mauvais entreposage ont valu huit accusations à Parasiris. Son avocat a réussi un autre coup de maître en faisant scinder les accusations, de sorte que celles qui concernaient les armes n'ont pas été soumises au jury. Cela aurait pu contaminer l'esprit des jurés et les détourner de l'objectif principal, qui était de trancher sur le meurtre, avait acquiescé le juge Cournoyer. Me Larochelle s'était engagé à ce que son client plaide coupable à ces accusations, une fois que le procès de meurtre serait fini.

Des leçons à tirer

Cet acquittement, rarissime lorsqu'il s'agit du meurtre d'un policier en service, constitue une défaite pour la police de Laval. En plus d'avoir perdu un des siens, elle s'est fait sévèrement critiquer par la cour pour cette opération mal préparée.

Hier, le directeur de la police de Laval, Jean-Pierre Gariépy, a indiqué que cette affaire allait mener à une révision des pratiques policières qui pourrait dépasser, et de loin, son service.

M. Gariépy s'adressera au ministère de la Sécurité publique du Québec pour demander une révision du protocole et de la formation offerte aux futurs policiers en ce qui a trait à la méthode de l'«entrée dynamique» (par surprise) employée lors de la perquisition chez Basil Parasiris.

La police de Laval recommandera aussi à Québec d'établir un nouveau formulaire de mandat de perquisition, «mieux adapté et plus clair afin d'éviter toute confusion».

Le juge Cournoyer avait déclaré illégal le mandat de perquisition utilisé par les policiers pour entrer chez M. Parasiris.

«Un drame humain nécessite obligatoirement une révision de nos pratiques policières», a déclaré Jean-Pierre Gariépy hier en conférence de presse, ajoutant que ce processus avait été déclenché «dès le lendemain du décès de l'agent Tessier».

La Fédération des policiers et policières municipaux du Québec a envoyé hier un signal similaire. «Le procès a soulevé beaucoup de questions. Il est trop tôt pour en tirer des leçons, mais il faudra amorcer la réflexion qui s'impose et récupérer, si possible, des éléments qui pourraient rendre le travail des policiers plus sécuritaire», a affirmé Denis Côté, président de la Fédération.

Reste que le verdict semble avoir sérieusement ébranlé les corps policiers. Jean-Pierre Gariépy s'est dit «choqué et déçu» de la sentence, des expressions qui ont aussi été employées par les représentants de la Fraternité des policiers du Québec et de Laval. «Nous espérons que la procureure de la Couronne trouvera des motifs pour interjeter appel», a d'ailleurs indiqué André Potvin, de la Fraternité des policiers de Laval. La Couronne dispose de 30 jours pour se prononcer.