Pendant des années, l'existence d'un État palestinien a déchiré la société israélienne. Devant une population arabe en pleine croissance, la plupart des Juifs israéliens ont fini par accepter l'idée. Ironiquement, par les temps qui courent, c'est plutôt l'existence d'un État juif qui est remise en cause.

Hassan Jabareen, avocat arabe d'Haïfa, a été l'un des premiers à réclamer un État pour deux peuples. Son organisme, Adalah, a publié l'an dernier une Constitution fictive proclamant qu'Israël ne devait plus être défini comme un État juif, mais plutôt comme un «État démocratique, bilingue et multiculturel».

 

Le document exigeait des droits d'immigration égaux pour tous, une certaine autonomie pour les minorités et l'inclusion d'éléments non juifs dans les symboles de l'État d'Israël, comme son drapeau et son hymne national.

«Plusieurs d'entre nous commençons à repenser à la solution d'un État binational, explique M. Jabareen. Un seul État démocratique, où Juifs et Arabes vivraient côte à côte en bénéficiant des mêmes droits.»

Des intellectuels arabes - et quelques juifs - ont publiquement souscrit à l'idée. En août, le négociateur en chef des pourparlers de paix pour le camp palestinien, Ahmed Qureia, a prévenu que si un accord sur la création d'un État palestinien n'était pas conclu rapidement, les Palestiniens réclameraient des droits égaux sur l'ensemble du territoire.

La majorité des Israéliens y voient une provocation, ou pire encore. «Un État binational entraînerait un nouvel Holocauste contre le peuple juif», tranche Arnon Soffer, directeur de la géopolitique à l'Université d'Haïfa. «Dans un État binational, les Arabes seraient vite en majorité. Alors ne me parlez pas d'un État laïque et démocratique. Ne me faites pas de blagues. C'est trop sérieux.»

L'État binational est «une chimère», dit Yehezkel Dror, directeur du Jewish People Policy Planning Institute. «Ce n'est pas dans les cartes. Et ce ne sera jamais une option. Israël ne commettra pas un suicide.»

Même parmi les Arabes israéliens, souligne M. Dror, l'État binational recueille peu de soutien. Selon un sondage mené en 2007, les trois quarts d'entre eux reconnaissent Israël en tant qu'État juif et démocratique.

La résistance est aussi forte du côté palestinien, dit Jafar Farah, directeur de Mossawa, un groupe de défense des droits des Arabes. «Le Hamas ne formerait jamais un gouvernement en Palestine s'il faisait campagne dans un État binational. Ce n'est pas pertinent pour le Hamas, ni pour l'OLP, ni pour les Juifs. C'est très bien pour nourrir des conversations intellectuelles. Pas plus.»