Après des compressions en culture controversées, voilà que le gouvernement de Stephen Harper garde les cordons de sa bourse fermés au projet du Quartier des spectacles de Montréal, une priorité de l'administration du maire Gérald Tremblay. Les deux pôles de ce quartier, l'édifice du 2.22 Sainte-Catherine et la place des Festivals, en souffrent déjà. Malgré l'entente-cadre Québec-Canada sur les infrastructures, seule la Ville de Montréal paie en ce moment.

L'annonce de l'entente-cadre sur les infrastructures entre Québec et Ottawa, d'une valeur de 4 milliards, juste avant la campagne électorale, convenait peut-être au Parti conservateur, mais le gouvernement fédéral n'a pas signé le contrat financier le liant plus spécifiquement aux projets du Quartier des spectacles et du Musée des beaux-arts de Montréal.

 

Même si les travaux de la place des Festivals du Quartier des spectacles avancent à un rythme soutenu, la Ville de Montréal est seule à payer. Ottawa et Québec n'ont toujours pas convenu d'un accord sur la contribution financière de chacun dans ce projet de 120 millions.

Les parties n'ont pas plus d'entente finale dans le dossier de l'agrandissement du Musée des beaux-arts de Montréal, un autre dossier culturel majeur d'un coût de 40 millions. Le gouvernement fédéral s'est pourtant engagé à verser, respectivement 40 et 13 millions, pour réaliser ces deux projets.

«Le Secrétariat (québécois) aux affaires intergouvernementales canadiennes n'a conclu aucune entente de contribution finale pour les projets Quartier des spectacles de Montréal, Musée des beaux-arts de Montréal [...] dans le cadre de l'entente Canada-Québec sur l'infrastructure», peut-on lire dans une note du ministère du Conseil exécutif à Québec, obtenue par La Presse.

Même si Québec a une entente-cadre en poche dans le cadre du programme d'infrastructures Chantiers Canada, chaque projet doit faire l'objet d'une entente de contribution spécifique.

«Le mécanisme (exigé par le gouvernement fédéral) mis en place par cette entente-cadre peut alourdir l'approbation des projets qui en découleront», a écrit, à ce sujet, le premier ministre Jean Charest aux partis fédéraux vendredi dernier.

Pour cette raison, le chef de l'État québécois leur demandait de «conclure rapidement les ententes de contribution qui découlent de l'entente-cadre, de manière à minimiser les délais dans l'obtention des fonds fédéraux».

À Ottawa, on reste extrêmement évasif sur les contrats encore à signer.

«Le Canada ne retarde pas le projet, mais il reste à conclure une entente. Nous le ferons dans les meilleurs délais possibles», a indiqué un porte-parole d'Infrastructure Canada à La Presse.

La Ville

Bon joueur comme toujours, le maire Gérald Tremblay reconnaît que la Ville a déjà beaucoup investi, mais il est prêt à donner encore la chance au coureur.

«Techniquement, les contrats ne sont pas signés. Mais pour moi, la bonne foi se présume. À partir du moment où quatre ministres se commettent, je tiens pour acquis qu'on va trouver des éléments de solution. Dans l'ordre des projets, les nôtres ont été priorisés. Je crois qu'ils vont honorer leur engagement.»

Ces ententes de contributions sont en fait le texte juridique du contrat liant les parties. Ils décrivent le projet et les travaux dans les détails, ainsi que les engagements financiers des trois gouvernements. Il crée aussi un comité de gestion de l'entente et prévoit un mécanisme de règlement des différends entre les parties.

«C'est certain que la campagne électorale n'aide pas. Tout est au ralenti à Ottawa. Mais ce n'est pas inquiétant à ce moment-ci, soutient Catherine Poulin, l'attachée de presse de la ministre des Finances à Québec, Monique Jérôme-Forget.

La réponse conservatrice est moins rassurante. Le gouvernement fédéral ne veut pas s'impliquer financièrement dès le début. «Nous ne sommes pas les promoteurs des projets. Nous attendons les factures des travaux pour les rembourser», note un conseiller conservateur.

Là où le bât blesse, c'est que tout le financement des travaux jusqu'ici a été entièrement assumé par la Ville de Montréal. En outre, le coût des travaux de la première phase a bondi en mai dernier de près de 7%, passant de 18 à 24 millions.

«On ne peut pas fonctionner sans le contrat, mais, selon moi, la Ville ne restera pas prise avec une facture. Toutes les parties sont tellement liées. Québec devrait débloquer des montants bientôt», affirme Guy Hébert, directeur général adjoint à la Ville.

Il y a quatre mois, l'administration municipale parlait d'un «devancement des coûts» plutôt que d'un dépassement, en raison «d'améliorations notables aux concepts préliminaires» de la place des Festivals qui doit être prête pour l'été prochain afin d'accueillir le 30e Festival international de jazz de Montréal.