Chez Hannah et Mike, il y avait des chandelles qui sentaient bon. Il y avait une avalanche de photos collées sur le frigo. Il y avait des victuailles sur la table. Du pain, du fromage, des charcuteries, des croustilles et des biscottes. Il y avait de la bière, du vin, de l'eau, des jus.

Pop! Quelqu'un a ouvert une bouteille de champagne.

On riait et parlait fort. Les téléphones cellulaires sonnaient. Celui d'Hannah, surtout, une jeune femme de 27 ans, toute petite, souriante, accueillante, énergique.

 

- This is Hannah, lance-t-elle en s'éloignant dans le corridor de l'appartement.

Dans le petit loft d'Hannah et de Mike, dans un quartier branché du centre-ville de Cleveland, les gens arrivaient les uns après les autres. Ils se sont agglutinés dans le salon, autour de l'immense télé juchée sur foyer dans lequel dansait une fausse flamme.

Joe portait un superbe t-shirt bleu avec le visage de Barack Obama imprimé dessus. Ryan, un Noir baraqué de Chicago, voulait tout savoir sur le Festival de jazz de Montréal. Il y avait un gars avec une cravate au motif de la bannière étoilée. Il y avait Gwendolyn, une fille de Burlington aux cheveux frisés, retenus par une barrette, toute heureuse de rencontrer un Montréalais.

«Hé! Quand on voulait faire la fête, on allait à Montréal», lance-t-elle.

Zoomba, Kya et Sekely, les trois chats du couple, circulaient sans gêne entre tout ce beau monde, quêtant une caresse, envoyant un petit «miaou» de temps à autre.

Entre tous ces jeunes gens, un fil conducteur: leur appui, inconditionnel, à Barack Obama, candidat démocrate à la présidentielle américaine. Ils étaient réunis chez Hannah et Mike pour une fête à l'occasion du premier débat télévisé, présenté hier soir. De tels Debate Watch Party, il y en avait comme ça des milliers, tant chez les démocrates que les républicains, aux quatre coins des États-Unis.

«Je me considère comme un indépendant mais les idées maîtresses d'Obama me rejoignent, dit Mike. Comme sur l'éducation et la santé. Et je suis séduit par ses racines. Ce gars-là vient du milieu communautaire où il a travaillé. C'est un homme comme lui qu'il nous faut à la Maison-Blanche.»

Deux semaines avant le débat, Hannah et Mike se sont demandé ce qu'ils pouvaient faire pour aider la campagne de leur candidat. Ils ont lancé un appel à leurs amis et connaissances, pour la majorité de jeunes professionnels comme eux. Ils ont rapidement rassemblé 70 personnes dans un bar et ont récolté 10 000 $, versés à la campagne.

«Ensuite, Hannah a eu l'idée de faire cette fête, poursuit Mike. Elle a lancé l'invitation sur le site officiel d'Obama. Très vite, le téléphone s'est mis à sonner. Ce soir, il y a ici une bonne demi-douzaine de personnes qui sont de nouvelles connaissances.»

Juste avant le débat, à l'invitation de Mike, chaque personne s'est présentée et a expliqué pourquoi elle appuyait le candidat démocrate.

Michelle s'est levée. Un des chats a miaulé. Un téléphone s'est mis à sonner.

- Oups! C'est le mien, s'est excusée la jeune femme, avant d'expliquer que, à ses yeux, Obama est inspirant.

Durant le débat, le groupe était discipliné. Beaucoup de réflexions à voix haute. Mais pas de hauts cris. Pas d'insultes. Beaucoup de fous rires lorsque le sénateur républicain John McCain était en mauvaise position ou, lorsqu'à leurs yeux, il lançait des énormités.

Ils ont applaudi très fort lorsque Obama a lancé, irrité, que les États-Unis dépensaient plus de 10 milliards de dollars par mois en Irak. Ils ont éclaté de rire lorsque John McCain a affirmé que les menaçants Nord-Coréens mesurent en moyenne trois pouces de plus que leurs voisins du Sud.

Obama et McCain ont continué à débattre. Dans le loft d'Hannah et de Mike, on était attentif. Quelques téléphones ont continué à résonner. Des invités sont revenus piger dans les assiettes. Zoomba, Kya et Sekely ont continué à déambuler un peu partout dans l'appartement, reniflant qui une assiette, qui un sac à dos, qui un soulier, une jambe, un bout de divan, un coin d'ordinateur...