Avant même d'être dévoilé, le plan de relance de l'industrie du fromage est déjà critiqué par des producteurs et des commerçants, car il ne prévoit aucune compensation pour les entreprises les plus durement touchées par la crise de la listériose.

Après une semaine de consultation, le ministre de l'Agriculture, Laurent Lessard, a présenté hier les grandes lignes de son plan d'aide. Les détails du projet seront dévoilés dans les prochaines semaines.

 

«Il y aura de la promotion pour soutenir les efforts de mise en marché et, deuxièmement, il faudra aider les usines transformatrices», a indiqué le ministre Lessard, que La Presse a joint par téléphone.

Le gouvernement financera une vaste offensive publicitaire dont l'objectif sera de redorer l'image du fromage québécois à l'approche du temps des Fêtes. Cette période est d'habitude la plus faste de l'année pour les fromagers.

Québec donnera aussi un coup de main aux compagnies qui voudront s'équiper de nouvelles machines de production ou implanter de nouvelles mesures de sécurité. M. Lessard n'a pas précisé comment son ministère aidera les entreprises ni combien coûtera son plan de relance. Il s'est borné à affirmer qu'il s'élèvera à «plusieurs millions» de dollars.

Chose certaine, il n'y aura pas un sou pour compenser les producteurs et les commerçants qui ont vu leurs produits confisqués par les inspecteurs du ministère de l'Agriculture (MAPAQ).

«On ne veut pas envoyer le message que les producteurs peuvent baisser les normes et que l'État paiera pour des produits contaminés», a fait valoir le ministre.

Insuffisant

Même si les fromagers se disent heureux du coup de pouce, plusieurs estiment que les mesures ne suffiront pas à enrayer la crise. Plusieurs producteurs artisanaux ont subi des pertes considérables et sont acculés à la faillite.

«On aurait souhaité des moyens de financement pour aider les producteurs, pas nécessairement de l'argent comptant, mais des prêts sans intérêt ou des crédits fiscaux», a indiqué Marc-André St-Yves, ancien fromager devenu consultant pour une vingtaine de producteurs éprouvés par la crise.

Même si les ventes de fromages reprennent leur cours habituel, plusieurs fabricants resteront dans le pétrin, craint M. St-Yves. Des détaillants ont du mal à payer leurs fournisseurs depuis que des inspecteurs du MAPAQ ont confisqué des milliers de kilos de fromage le week-end du 6 septembre. Ce manque à gagner a forcé des fromagers à ralentir, voire à arrêter leur production.

C'est le cas d'Éric Proulx, propriétaire de la Ferme Tourilli. Même si le ministère de l'Agriculture n'a découvert aucune trace de la bactérie Listeria dans ses tommes, ce spécialiste des fromages de chèvre est en arrêt de production depuis plus de deux semaines. Ses commandes ont fondu des trois quarts. Ses pertes se chiffrent à près de 20 000$, soit 10% de son chiffre d'affaires annuel. Il a mis à pied trois de ses quatre employés.

«S'il n'y a pas d'indemnisation directe et soutenue des entreprises qui ont perdu leur fonds de roulement, plusieurs vont faire faillite», a indiqué M. Proulx.

Max Dubois, propriétaire de L'Échoppe des fromages, à Saint-Lambert, juge aussi le plan insuffisant. Cet entrepreneur, qui a envoyé une mise en demeure au gouvernement après une rafle dans son commerce, estime que les nouvelles mesures ne sont que «poudre aux yeux», car elles n'aideront pas les fromagers artisanaux, ceux qui souffrent le plus de la crise.

«Si Bombardier doit fermer son usine de motoneiges parce que la demande a baissé, le gouvernement ne va pas investir dans la publicité pour les motoneiges, dit-il. Il va investir directement dans la chaîne de production.»