Faire preuve d'opportunisme peut parfois provoquer un effet boomerang. Bien malgré lui, le cardinal de Montréal Jean-Claude Turcotte vient de valider cette théorie.

Quelques heures à peine après avoir fait la morale aux défenseurs du droit des femmes à l'avortement en critiquant l'oeuvre du Dr Henry Morgentaler, on apprenait que l'archevêché dirigé par Mgr Turcotte a accordé une bourse d'étude de 60 000 $ à un prêtre reconnu coupable d'attouchements sexuels sur une fillette de huit ans. L'argent lui servira à financer pendant trois ans ses études en droit canonique dans une université ontarienne. Encore plus dérangeant encore, Mgr Turcotte a cherché à excuser l'individu en parlant "d'une erreur de comportement" de sa part. Ouf!

On ne pourrait trouver un meilleur exemple pour illustrer le sage conseil qui veut qu'il soit préférable de ne pas lancer de pierre à quelqu'un lorsqu'on vit soi-même dans une maison de verre.

Mgr Turcotte est dans son droit de remettre sa médaille de l'Ordre du Canada pour protester contre le fait que le Dr Henry Morgentaler en sera également décoré. Il aurait cependant dû être plus nuancé dans ses commentaires sur la "contribution" du médecin à la société canadienne. Monseigneur aurait également pu réserver quelques mots pour s'excuser, au nom de l'Église, à cette enfant victime de ce "représentant" de Dieu.

Certains, par ailleurs, critiquent le timing de l'annonce de Mgr Turcotte. Elle survient en pleine campagne électorale. Chercherait-il à ramener la question de l'avortement à l'ordre du jour politique? Fort probablement. Et c'est bien son droit de le faire.

Ce n'est pas parce que nos gouvernements se sont libérés des tentacules de l'Église que celle-ci doit s'effacer pour autant. La séparation de l'État et de l'Église est aujourd'hui un fait indéniable. Et pas question, ne serait-ce qu'un instant, de songer à retourner en arrière.

En revanche, à l'instar des autres groupes de pression bien organisés dans notre société, l'Église conserve son droit d'exercer son influence.

Aux politiciens de comprendre le jeu (et les intérêts) de l'Église et de se rappeler que, non seulement elle ne parle pas au nom de la majorité des citoyens, elle ne la représente pas non plus.