Il ne faudrait surtout pas crier au scandale parce que la Régie de l'assurance maladie du Québec doit payer une facture de 72,3 millions $ pour des soins donnés par des hôpitaux d'Ottawa à des patients de l'Outaouais québécois. La somme n'est pas insignifiante. On en convient. Toutefois, il serait illusoire de s'imaginer qu'on puisse réduire une telle facture, à court terme et de façon significative. Il n'est même pas évident qu'on doive en faire une question de principe au nom de l'autosuffisance absolue de l'Outaouais en matière de santé.

Il ne faudrait surtout pas crier au scandale parce que la Régie de l'assurance maladie du Québec doit payer une facture de 72,3 millions $ pour des soins donnés par des hôpitaux d'Ottawa à des patients de l'Outaouais québécois. La somme n'est pas insignifiante. On en convient. Toutefois, il serait illusoire de s'imaginer qu'on puisse réduire une telle facture, à court terme et de façon significative. Il n'est même pas évident qu'on doive en faire une question de principe au nom de l'autosuffisance absolue de l'Outaouais en matière de santé.

Ce n'est pas d'hier que les gens de l'Outaouais vont à Ottawa pour se faire soigner et ce n'est pas demain qu'ils vont y renoncer. Bien au contraire. L'histoire de notre région s'est écrite et va continuer de s'écrire sur les deux rives de l'Outaouais.

Tout comme l'Université d'Ottawa a été l'université de l'Outaouais pendant des décennies, il en est de même pour les hôpitaux que les gens de la région ont fréquentés avec assiduité.

Pour eux, il était normal de se diriger vers Ottawa pour acheter, étudier et se faire soigner. Cette tendance peut bien régresser, mais elle ne disparaîtrait pas. La libre circulation des biens et des personnes n'est-elle pas un principe fondamental de la fédération canadienne même si, parfois, on a l'impression que les ponts sont davantage des barrières que des voies de circulation.

Comme l'affirme le pdg de l'Agence de la santé de l'Outaouais, le Dr Guy Morissette, il serait téméraire de viser l'autosuffisance outaouaise en santé. Et il a raison. C'est un objectif noble qui peut servir des idéaux politiques mais l'histoire de notre région nous a appris à traverser les ponts plutôt que d'en voir des obstacles.

Il est impensable, irréaliste et irréalisable de penser intégrer la région pour en faire un district fédéral. Il n'est cependant pas interdit d'évoquer dans quelle mesure une meilleure intégration servirait mieux les citoyens québécois et ontariens de la région. À tous les jours, des dizaines de milliers de gens de la région vont sur l'autre rive pour travailler, se recréer, acheter, étudier et se faire soigner. Ils le font naturellement parce que, pour nombre d'entre eux, c'est la chose normale à faire. Ils le font également parce que, comme dans le cas de la cardiologie, il existe une entente qui permet aux gens de l'Outaouais d'avoir accès à des soins de toute première qualité dans un environnement exceptionnel, sous la supervision des spécialistes de l'Outaouais. (Et veuillez en croire l'éditorialiste. Ça marche !)

Dans le cas de la santé, les lacunes et les limites de l'Outaouais québécois peuvent être compensées par le système ontarien, même si ce dernier n'est pas à l'abri des intempéries. On s'étonne par contre que l'on en soit encore à "comprendre toutes les raisons" qui poussent des gens de l'Outaouais à se faire soigner en Ontario. Comment se fait-il qu'on ne se soit pas encore posé la question et identifié des tendances ? Car cela ne date pas d'hier.

L'Ontario voudrait que des ententes similaires existent pour d'autres types de service. Cela est fort souhaitable. Mais il ne faudrait pas que cela se fasse au détriment du système de santé en Outaouais et que cela serve d'excuse pour Québec d'en retarder le rattrapage. Il faut considérer de telles ententes avec l'esprit ouvert et à partir du principe que les deux systèmes de santé ne sont pas mutuellement exclusifs et obligatoirement indépendants l'un de l'autre.

Bien entendu, il ne faut pas rêver en couleur et s'imaginer qu'on va faire disparaître du jour au lendemain les obstacles à la libre circulation des biens et des personnes. Pas plus qu'il soit envisageable d'intégrer ce qui ne peut l'être. Par contre, rien n'empêche de se parler, d'échanger et d'harmoniser certaines pratiques et certains services en matière de santé. Faire ainsi n'est pas sacrifier l'autosuffisance de l'Outaouais en matière de santé. Cela demeure un objectif louable et permanent, mais subordonné à l'objectif d'offrir les meilleurs services avec les ressources disponibles sur les deux rives de l'Outaouais.

Il n'y a pas ici d'anathème, juste du bon sens.