La ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française, Christine St-Pierre, juge inacceptable que des employeurs exigent la connaissance de l'anglais comme critère d'embauche dans des commerces.

Mme St-Pierre mise sur une rencontre avec des gens d'affaires, prévue le mois prochain, pour les sensibiliser au fait que la candidature de francophones ne parlant pas anglais ne doit pas être rejetée par les commerçants.

Dans un reportage publié lundi, le Journal de Montréal a constaté que plusieurs commerces visités principalement à Montréal ont contrevenu aux dispositions de la Charte de la langue française relatives à la langue de travail.

Selon le quotidien, 20 des 101 établissements visités dans le cadre d'une enquête ont rejeté une candidature parce que la personne était unilingue francophone.

Mme St-Pierre, qui est ministre de la Culture, a affirmé lundi qu'il était important d'examiner ce genre de situation «sérieusement».

«Le français c'est la langue officielle au Québec, la langue de la majorité, a-t-elle déclaré lundi lors d'une entrevue téléphonique. Qu'un francophone ne puisse pas se trouver du travail parce qu'il est unilingue francophone, je pense que ce n'est pas acceptable.»

Mme St-Pierre écarte cependant d'emblée toute modification qui préciserait dans quel contexte un employeur est justifié d'exiger la connaissance de l'anglais lorsque c'est nécessaire à l'accomplissement de la tâche, comme le permet le texte de la Charte à l'article 46.

«Nous ne sommes pas dans une perspective de réouverture de la Charte, nous sommes dans une perspective d'appliquer la Charte», a-t-elle dit.

Selon la ministre, les employeurs doivent simplement être sensibilisés pour éviter que des francophones se fassent refuser un emploi parce qu'ils ne connaissent pas l'anglais.

«Il faut vraiment faire en sorte que les gens d'affaires saisissent l'importance du défi qui se présente et travaillent à l'amélioration du français à Montréal», a-t-elle affirmé.

Le président-directeur général du Conseil du commerce de détail, Gaston Lafleur, a affirmé lundi que les détaillants devaient respecter les dispositions de la Charte.

Selon lui, dans certaines situations, des commerçants peuvent avoir besoin d'employés parlant une autre langue, mais il s'agit de «cas d'espèce» pour des clientèles spécifiques.

«Refuser une personne uniquement parce qu'elle ne connaît que le français, sans aucun motif légitime, qui vient à l'intérieur de l'exception que prévoit la Charte, c'est évident que ce n'est pas une situation qu'on va approuver», a-t-il dit.

Dans son reportage, le Journal de Montréal a mis en parallèle des chiffres recueillis dans une enquête précédente selon lesquels des candidatures unilingues anglophones déposées dans 97 commerces du centre-ville avaient été acceptées dans 22 cas.

Ces informations, publiées en janvier dernier, avaient fait grand bruit. Elles avaient été suivies d'une controverse entourant la publication, en février, d'études de l'Office québécois de la langue française soulignant à la fois des gains et des reculs du français dans la province.

Dans son plan d'action qui a suivi en mars, Mme St-Pierre n'a prévu aucune mesure coercitive, misant plutôt sur la bonne volonté des gens d'affaires.

En octobre prochain, dans le cadre de ce plan d'action, un forum réunira Mme St-Pierre et des gens d'affaires pour discuter de la situation du français à Montréal.