À la demande des médecins spécialistes, le projet du Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM) sera revu. Plus de lits, plus d'espace Plusieurs éléments pourraient être modifiés. Afin de savoir à quoi devrait ressembler le futur CHUM, La Presse a visité trois hôpitaux semblables dans le monde. Après la visite de l'hôpital Northwestern de Chicago, voici le University College Hospital de Londres.

Le University College Hospital est une fierté du système de santé britannique. Happé par la vague des PPP du gouvernement de Tony Blair dans les années 90, le nouvel établissement a été financé par le privé. Les Londoniens ont obtenu un hôpital flambant neuf, mais à quel prix? La liste des ratés des PPP britanniques est longue: contrats rigides, coûts d'entretien élevés, carcan bureaucratique. Et l'aventure de l'UCH, bien que réussie dans l'ensemble, ne fait pas exception.

Avec son immense atrium vitré et sa tour de verre de 16 étages, l'University College Hospital (UCH) tranche sur les bâtiments victoriens du centre-ville de Londres.

À l'intérieur, des traces du secteur privé paraissent dans ses couloirs immaculés. Le kiosque de sécurité et l'entrée de la cafétéria portent le logo d'Interserve, une société spécialisée dans les services d'entretien.

Un hôpital privé, l'UCH? Pas tout à fait. Il s'agit du plus gros projet d'hôpital public financé par le privé (PFI) en Grande-Bretagne. Interserve est un des trois partenaires privés, avec Balfour Beatty et Amec, qui ont financé sa construction au coût de 792 millions de dollars (422 millions de livres sterling).

Issu de la fusion de trois hôpitaux, l'UCH abrite un centre de recherche biomédicale, le plus grand département de soins intensifs en Europe et plusieurs unités spécialisées. Il appartient à une fondation qui chapeaute six autres hôpitaux, la University College London Hospitals Foundation Trust.

L'immeuble a été livré à temps en 2005, cinq ans après les premiers coups de pioche. La fondation de l'hôpital devra toutefois attendre encore 32 ans avant d'en être propriétaire.

«Jusqu'à maintenant, notre partenariat avec le privé s'est bien déroulé», affirme sir Robert Naylor, directeur de la fondation de l'UCLH.

L'hôpital a traité 583 000 patients externes (non hospitalisés) en 2007, soit 70% de plus qu'en 2002.

La performance de l'UCH est donc à la hausse. Mais le coût de ses opérations aussi.

L'hôpital paie un loyer annuel d'environ 80 millions de dollars (42 millions de livres sterling). Cette somme couvre tous les services connexes aux soins de santé, assumés par le consortium.

Aux yeux d'Allyson Pollock, une experte très critique envers les PFI, les hôpitaux dans cette situation n'auront pas le choix de s'endetter massivement. «On perd le pouvoir quand on perd notre propriété», dit la directrice du Centre for International Public Health Policy.

La troïka propriétaire de l'UCH peut d'ailleurs augmenter le loyer à tout moment, notamment avec la hausse de l'inflation.

Au bas mot, les experts estiment que l'hôpital aura coûté 3,6 milliards de dollars (1,9 milliard de livres sterling) aux contribuables britanniques à l'échéance du contrat, en 2040.

Des soins privés

Par ailleurs, le secteur privé s'est introduit dans les locaux mêmes de l'hôpital. Une clinique privée d'oncologie occupe tout le 15e étage. L'hôpital loue également un de ses six appareils de radiothérapie très sophistiqués.

Cette alliance est une façon d'alléger le fardeau des dépenses, explique sir Robert Naylor.

Pourtant, ce n'est pas comme si l'UCH avait de l'espace à revendre. L'hôpital fonctionne déjà à pleine capacité.

Afin d'optimiser la superficie du site, l'aile des soins spécialisés fonctionne comme un terminal d'aéroport. De semaine en semaine, les départements les plus achalandés sont déplacés dans les plus grandes aires.

«Partout où je vais, le personnel se plaint qu'il est débordé, dit sir Robert Naylor. Je leur réponds: Soyez plus efficaces!»

Heureusement pour la fondation, la construction de nouveaux pavillons (sans l'implication du secteur privé) est prévue sur les terrains avoisinants dans quelques années, ce qui lui offrira une certaine marge de manoeuvre.

Une lourde bureaucratie

Fait intéressant, l'UCH ne compte pas plus de lits que les trois anciens hôpitaux. Le directeur ne croyait pas en avoir besoin à cause de l'achat d'équipement plus performant.

«Avec mon expérience, j'ai appris que peu importe ce qu'on prévoit, ce n'est jamais suffisant», dit sir Robert Naylor. Surtout que le milieu hospitalier évolue constamment, observe-t-il.

Une réalité mal servie par les contrats souvent rigides qui soudent les hôpitaux britanniques avec le privé pour une durée de 30 ou 40 ans.

«C'est difficile de faire des changements, même mineurs. Il faut payer le consortium et cela engendre une perte d'activité», dit-il. Raison de plus pour la direction d'un hôpital de concevoir le meilleur bâtiment possible et d'avoir en main un contrat flexible, selon lui.

Le personnel médical rencontré par La Presse semblait satisfait de son environnement.

La chef du département de radiothérapie, Julia Soleno, se félicite de la liste d'attente qui s'est écourtée depuis le déménagement. Grâce aux nouveaux appareils, les patients cancéreux attendent trois fois moins longtemps qu'il y a quatre ans.

Cependant, la bureaucratie est plus lourde. «On ne peut faire aucun changement sans entreprendre un long processus. Ça fait beaucoup de paperasse», dit Julia Soleno.

«Malgré tout, je me considère chanceuse», conclut-elle.

University College Hospital

> Superficie: 72 500m2

> 502 lits

> 12 salles d'opération

> Coût: 792 millions de dollars (422 millions de livres sterling)

> Population de Londres: 8,2 millions *

> Nombre de centres hospitaliers universitaires: 8

> 660 000 patients par année

* Selon le recensement de 2001

Qu'est-ce que les PFI?

Les «private finance initiatives» sont des projets de construction dans le secteur public financés par des partenaires privés. Grâce à une pirouette comptable, leurs coûts initiaux n'apparaissent pas dans le bilan financier du gouvernement, d'où leur attrait. Les PFI permettent donc à l'État de lancer de vastes projets tout en maintenant son équilibre budgétaire (illusoire selon les critiques). C'est ce que le gouvernement de Tony Blair a fait. La Grande-Bretagne compte maintenant 500 contrats PFI d'une valeur de 107 milliards de dollars.