Dans les débats qui ont engendré le rapatriement de la Constitution, la rédaction de la Charte canadienne des droits et libertés, et les sempiternelles réformes constitutionnelles qui ont secoué le pays depuis 30 ans, participait chaque fois le même homme: l'ex-sénateur et constitutionnaliste Gérald Beaudoin. L'homme a succombé mercredi soir à la fibrose pulmonaire à l'hôpital de Hull. Il avait 79 ans.

Né à Montréal le 15 avril 1929, Gérald Beaudoin a fait des études en droit aux universités de Montréal, d'Ottawa et de Toronto. Il a enseigné à la faculté de droit civil de l'Université d'Ottawa avant d'en devenir le doyen de 1969 à 1979.

C'est à cette époque que Pierre Thibault, aujourd'hui doyen adjoint à la faculté de droit civil de l'Université d'Ottawa, a connu celui qui lui a donné envie de se lancer en droit constitutionnel. Une spécialité plutôt aride, convient Pierre Thibault en riant. «C'est aride, c'est abstrait, mais si on se force un peu, on constate que, dans l'actualité, toutes les semaines, il y a des nouvelles qui ont un lien avec le droit constitutionnel. Il faut démystifier le droit constitutionnel et M. Beaudoin a été un des pionniers du domaine à pouvoir le vulgariser, le rendre accessible à tout le monde.»

Les deux hommes ont travaillé ensemble pendant les années où M. Beaudoin a siégé au Sénat, de 1988 à 2004. «C'était un fédéraliste convaincu, mais il n'était pas centralisateur, dit M. Thibault. Il comprenait les besoins du Québec, comprenait qu'il fallait respecter la Constitution du Canada, tant sur le plan des droits et libertés que sur le partage des compétences. Et sur le plan de l'éthique, il était au-dessus de tout soupçon.»

Nommé en 1988 au Sénat par Brian Mulroney, il ne s'est jamais montré partisan malgré son étiquette de sénateur conservateur. «Il n'était pas très partisan de nature, sauf lorsqu'il était question de l'unité du pays», dit Yves de Montigny, ancien collègue à l'Université d'Ottawa et aujourd'hui juge à la Cour fédérale. Gérald Beaudoin a également été l'un des premiers francophones à faire carrière comme professeur de droit à l'université, souligne M. de Montigny.

«Il s'agissait d'un grand gentleman et d'un grand juriste. C'est avec beaucoup de chagrin que j'ai appris son décès», a aussi déclaré Brian Mulroney sur les ondes de Radio-Canada. «Le Canada a perdu un grand homme d'État.»

«De tous les êtres humains que j'ai connus dans ma vie, j'en ai connu beaucoup qui aimaient le Canada, mais je n'en ai jamais rencontré aucun qui aimait autant la Constitution du Canada et le débat autour de la Constitution du Canada, qu'il connaissait sur le bout des doigts et qu'il adorait. Il transmettait cet amour à ses étudiants, à tout le monde. Il va nous manquer énormément», a souligné le chef du Parti libéral, Stéphane Dion, qui faisait campagne à Saint-Jean au Nouveau-Brunswick.

Un grand héritage

Avant son arrivée au Sénat, Gérald Beaudoin avait participé aux éditions successives de la Charte canadienne des droits et libertés, en 1982 et en 1989. "Il ne s'en est jamais vanté, a souligné à La Presse Canadienne le sénateur Pierre Claude Nolin, proche ami du disparu. Je pense que c'est par noblesse, parce que souvent ces rédacteurs préfèrent demeurer anonymes. Mais il n'y a pas de doute que quand on lui parlait de la Charte, il s'excitait."

Auteur d'un grand nombre d'articles et d'ouvrages de droit, dont Le partage des pouvoirs (1980) et La Constitution du Canada (1990), Gérald Beaudoin avait siégé à la Commission sur l'unité canadienne (commission Pépin-Robarts) de 1977 à 1979.

Après son entrée au Sénat, il avait coprésidé le Comité mixte spécial de la Chambre des communes et du Sénat sur la formule d'amendement (rapport Beaudoin-Edwards) et le Comité mixte spécial de la Chambre des communes et du Sénat sur le renouvellement constitutionnel (rapport Beaudoin-Dobbie).

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