La prévention est certes un outil plus efficace que la répression pour lutter contre la criminalité, mais pour que celle-ci soit la plus réussie, elle doit engager les policiers, la ville, les citoyens et le milieu communautaire.

Telle est l'une des constatations faites par le Centre international pour la prévention de la criminalité, qui publiait mardi à Montréal son premier rapport sur la prévention de la criminalité dans le monde.

On y fait notamment le relevé de 60 pratiques adoptées pour combattre la criminalité dans 30 pays.

On y mentionne que les pays reconnaissent de plus en plus que le viol est utilisé comme arme de guerre. Les autorités estiment qu'entre 20 000 et 50 000 femmes ont été violées en Bosnie durant la guerre et entre 250 000 et 500 000 femmes pendant le génocide au Rwanda.

Au cours d'une rencontre avec la presse, la directrice générale du centre, Valérie Sagant, a indiqué que la prévention s'est imposée comme une composante incontournable des politiques qui portent sur la sécurité.

Elle a cependant noté que même dans des pays qui ont axé leur action sur la prévention, comme le Canada, les autorités ont aussi accentué la répression. «Ce qui nous frappe, c'est que ce renforcement de l'arsenal répressif n'a pas complètement amputé les politiques de prévention qui se poursuivent

parallèlement», a-t-elle dit.

Ainsi, depuis trois décennies, les taux d'incarcération ont augmenté dans 73 pour cent des pays recensés par l'International Centre for Prison Studies. Les Etats-Unis, par exemple, détiennent derrière les barreaux plus de 2,2 millions de personnes.

Mme Sagant a souligné que le coût de la détention d'une personne au Canada, par exemple, est de 90 000 $ par année, comparativement à 23 000 $ pour le coût du suivi social.

Aucun pays n'est plus en avance que les autres dans sa façon de combattre la

criminalité, a indiqué Mme Sagant. Les solutions qui ont le plus de succès sont celles qui engagent tant la police que la ville, le milieu communautaire, les citoyens et les services sociaux.

Pour ce qui est de la violence commise par les jeunes, le rapport fait état d'un

certain durcissement du ton des autorités dans le monde.

«En Europe plus particulièrement, de nombreuses législations ont été modifiées afin de renforcer les mesures contre les jeunes délinquants», relate le rapport. Par exemple, en France, depuis 2002, un juge peut ordonner les mêmes peines aux mineurs de 16 à 18 ans qu'aux personnes majeures.

Ce rapport sur l'état de la prévention de la criminalité dans le monde sera désormais mis à jour aux deux ans.

Réaction

Réagissant à la publication du rapport de ce centre international, le criminologue André Normandeau, professeur à l'Université de Montréal, y a vu un outil pour mieux documenter les effets de la prévention en criminalité.

M. Normandeau a justement participé cette semaine à une table ronde avec des citoyens des communautés noires de Montréal-Nord et de Saint-Michel sur la violence. «Ca fait des siècles qu'on dit que la pauvreté mène à des problèmes sociaux, pas juste des problèmes de criminalité. Lors de cette table ronde, plusieurs décrivaient leurs frères et leurs soeurs comme étant vraiment dans la dèche en termes économiques», a-t-il rapporté.

Le criminologue continue de croire en la prévention, bien qu'elle ne résolve pas tous les problèmes. «Ca ne sera jamais des résultats pharamineux. Ca ne sera jamais le paradis terrestre, parce qu'on a affaire à des variables sociales et socio-économiques très vastes, qui produisent des problèmes sociaux, dont la criminalité. Mais je dis toujours à mes étudiants: entre zéro et cent, si on réduit la criminalité de dix, de quinze ou de vingt pour cent, c'est beaucoup pour les victimes

potentielles.»