Percutant, le sondage Segma-La Presse-Gesca publié hier. Parce qu'il révèle que les jeunes aiment l'école... mais pour les sports, les amis. Parce qu'ils trouvent que c'est facile, aussi. D'autres ne l'aiment pas du tout, à cause de la violence, de la drogue. Qu'en pense la ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne? On le lui a demandé.

Q: Nos jeunes répondants se disent presque tous heureux à l'école. Ils sont 68% à trouver leurs cours «assez faciles» et 7,8% à les trouver «faciles». Comment réagissez-vous à tant de bonheur et de facilité?

R: J'ai trouvé le pourcentage de jeunes heureux (à l'école) assez élevé. Qu'ils soient heureux, c'est une bonne nouvelle! Ils expliquent cependant dans le sondage que cet état de bonheur n'est pas nécessairement lié au contenu de l'enseignement, mais aux activités sportives, aux amis, etc.

Quand je lis ça, j'ai tendance à me référer au temps où j'étais mère de deux ados. D'un point de vue personnel, je pense sincèrement qu'il y a encore place à un effort accru. Dans tout ce débat sur les devoirs et les leçons, je persiste à dire que, même si les temps ont changé, il me semble qu'on pourrait exiger plus, surtout au secondaire, en matière de travail personnel.

Est-ce que c'est une vieille matante qui parle? Je ne pense pas! J'essaie d'être sensible à l'évolution des choses. Je suis très à l'écoute de ce débat.

Q: Justement, les jeunes disent qu'ils font 46 minutes de devoirs quotidiens au secondaire. Est-ce assez?

R: Qui suis-je pour vous dire si c'est assez ou pas assez? Je ne suis pas enseignante ni pédagogue. Ce qu'il faut regarder, c'est si l'élève a un bagage de connaissances suffisant pour passer à une autre étape, puis voir au cégep de quel bagage il a besoin pour se présenter à l'université.

Q: À l'école publique, on fait nettement moins de devoirs, on sèche cinq fois plus souvent ses cours et on trouve les cours nettement plus faciles. Comment convaincre les parents de faire encore confiance à l'école publique?

R: Depuis une dizaine d'années, on a mis beaucoup d'énergie sur le «comment enseigner». On a perdu de vue, peut-être, l'importance de la matière.

Pour le reste, prenez l'école Jeanne-Mance, une des plus difficiles à Montréal, où on nettoie les graffitis tous les week-ends. Dans cette école, qui n'est pas une école internationale ni à vocation particulière, un professeur de judo fait des miracles avec des jeunes très rock'n'roll, et ça, ce n'est pas connu. Les gens du Plateau, qui appartiennent à une catégorie sociologiquement plus élevée, boudent cette école.

Q: Ont-ils raison de la bouder?

R: C'est sûr que, quand tu vois des graffitis partout, qu'il y a de la drogue au coin de la rue, comme parent, ça fait peur. Ils ont peur de la drogue.

Q: Justement, 45,8% des jeunes disent constater souvent ou très souvent qu'il se consomme de la drogue ou de l'alcool à l'école. En entrevue journalistique, ils disent que c'est parfois devant l'entrée principale de l'école qu'on en consomme. Quelle est la responsabilité des directeurs d'école à cet égard? Sont-ils dépassés?

R: L'école a une immense responsabilité à l'égard de cette problématique, et ça inclut les enseignants, les parents. Les directeurs d'école ne peuvent pas tout faire. Je crois aux tables de concertation, à l'élaboration de partenariats avec le milieu, avec des spécialistes du milieu scolaire, de la santé, pour qu'on trouve des solutions propres à chacun des territoires. L'école ne doit plus hésiter à aller chercher du soutien.

Q: Et à appeler la police régulièrement?

R: Ça ne se passe plus comme ça, maintenant. Les services policiers des grandes zones urbaines ont amélioré leur mode d'intervention. Ça passe beaucoup par l'établissement d'un dialogue avec les jeunes, par la prévention.

Q: Dans le cadre de notre sondage, un jeune nous a dit qu'il commençait l'école à 7h. Compte tenu du rythme biologique des adolescents, qui les rend très peu performants le matin, avez-vous déjà envisagé d'obliger les écoles à ne pas commencer avant une certaine heure?

R: Sept heures, c'est très tôt, surtout quand on pense au temps de transport, mais il n'y a vraiment pas beaucoup d'écoles qui commencent à 7h. Ce dont les parents se plaignent, c'est que les enfants ne sont pas à l'école assez longtemps. Ça fait partie, dans certains quartiers, de la problématique de délinquance quand, à 14h30, les enfants n'ont rien à faire et que les parents travaillent.

Q: Allonger les heures de classe, c'est envisageable?

R: C'est extrêmement déchirant pour une ministre de l'Éducation. Il faut respecter l'état des finances publiques. Il faut être réaliste. Une heure additionnelle, c'est 200 millions par année.

Q: Je ne vous demanderai pas, comme on l'a fait pour les jeunes, si vous avez déjà séché vos cours...

R: C'est oui! J'en ai séché. Pas au secondaire, mais plusieurs au collégial!

Q: Quelle est l'activité liée à votre travail que vous aimeriez le plus sécher?

R: Je n'ai jamais séché la période de questions parce que je n'en ai pas le droit et parce que je crois, en démocratie, en la nécessité de rendre des comptes, mais c'est sûr que j'aime 100 fois plus faire des entrevues que de devoir répondre à des questions grosses comme la Terre en une minute et quelque.

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