Depuis ce jour d'août 1992 où il a abattu froidement quatre professeurs de l'Université Concordia, Valery Fabrikant n'a pas changé, a plaidé le procureur de la Couronne Louis Bouthillier, hier, en demandant à la Cour supérieure de ne pas autoriser la révision judiciaire demandée par l'ex-professeur de génie mécanique.

«M. Fabrikant n'a pas de remords. Au contraire, il est même fier de ses crimes et se pose en victime pour ce qui est arrivé en 1992. Il ne reconnaît pas sa responsabilité et a refusé de participer à tous les programmes qu'on lui a proposés en prison. Il n'a pas fait le cheminement requis pour obtenir une révision judiciaire. Il représente toujours un danger pour les survivants de Concordia et la société en général», a fait valoir Me Bouthillier au juge James Brunton.

Âgé de 68 ans, Fabrikant assistait à cette audience par le truchement de la vidéoconférence, à partir du pénitencier de Sainte-Anne-des-Plaines où il est détenu. Comme il a purgé plus de 15 ans de sa peine à perpétuité, il s'est prévalu de son droit de tenter sa chance pour une révision judiciaire, dans le but de sortir plus vite de prison. C'est un jury de 12 citoyens qui évalue le cas, puis décide si le détenu peut présenter sa demande à la Commission nationale des libérations conditionnelles. C'est cette dernière qui a le dernier mot. Mais avant tout cela, le détenu doit convaincre un juge que sa demande a une chance de réussite.

C'est l'exercice que Fabrikant a entrepris depuis décembre dernier. Bien qu'il y ait eu de nombreux jours d'audition depuis, ce n'est qu'hier qu'on a débattu du noeud de l'affaire. Cela parce que Fabrikant, fidèle à ses habitudes, a multiplié les requêtes en tous genres. Celles-ci ont toutes été rejetées, y compris la dernière, entendue hier, qui demandait au juge de se récuser, entre autres pour cause de «partialité, comportement illégal et immoral». Le rejet de cette requête a abrégé la plaidoirie de Fabrikant.

«Je n'ai aucune chance de réussite avec vous, vous avez rejeté toutes mes requêtes. C'est sans espoir», a raillé Fabrikant. Il a ensuite demandé de quelle manière il pouvait s'y prendre pour en appeler de la décision que le juge Brunton allait rendre. Puis, s'adressant à Me Bouthillier, il a fait cette mise au point: «Je n'ai jamais dit que je n'ai pas tué ces quatre personnes. J'ai dit que je n'ai pas eu le choix. Je ne les ai pas tuées pour des raisons futiles. J'ai été provoqué.»

En fait, Fabrikant croit que si on lui laissait la chance de s'expliquer devant un jury, ce dernier comprendrait qu'il n'est pas un criminel et qu'il a agi en légitime défense.

Rappelons que Fabrikant s'était présenté armé à l'université, puis s'était livré à ses meurtres, parce qu'il ne supportait pas que les noms de collègues apparaissent sur les articles scientifiques que lui seul affirmait avoir écrits. Depuis qu'il est emprisonné, Fabrikant se targue d'avoir publié 39 articles scientifiques.

Le juge Brunton, qui a mené l'audition et essuyé les insultes sans perdre son calme, notamment celle où Fabrikant lui suggérait de se regarder dans le miroir et de cracher sur ce qu'il voyait jusqu'à ce qu'il n'ait plus de salive, a mis l'affaire en délibéré et rendra une décision écrite plus tard.