Le protocole de l'Agence de la santé de Montréal était clair: il interdisait à un hôpital de refuser un patient en psychiatrie pour de seuls motifs géographiques. Si l'Hôpital Jean-Talon a refusé une patiente qui y sollicitait un suivi en psychiatrie, il l'a fait en contravention du protocole.

C'est la thèse qu'a défendue mercredi Me Suzanne Courchesne, l'avocate qui représente l'Agence de la santé et des services sociaux de Montréal, dans la requête en vue de faire autoriser un recours collectif contre la «sectorisation» des soins psychiatriques.

Cette politique de «sectorisation» avait été adoptée à l'origine pour favoriser l'accès à des soins à tout patient, au moins dans l'hôpital du secteur où il réside. Mais, dans la pratique, il semble que des établissements de santé aient interprété ce protocole de sectorisation de façon à restreindre cet accès aux soins aux seuls résidents de leur secteur.

Une requête pour autorisation d'intenter un recours collectif a donc été déposée au nom d'un groupe de personnes qui ont tenté d'obtenir des soins psychiatriques non urgents, dans une clinique externe d'un hôpital de Montréal, et qui se sont vu refuser ces soins pour des motifs géographiques.

La requête en autorisation d'intenter un recours collectif déposée par l'avocat Jean-Pierre Ménard est estimée à plusieurs millions de dollars, soit 5000 $ par personne qui s'est vu refuser l'accès à ces soins pour des motifs géographiques, entre 2000 et 2005, sans compter les autres dommages exemplaires, selon le cas.

Mardi, Me Ménard avait plaidé le fait que cette pratique était discriminatoire à l'endroit des personnes ayant des problèmes de santé mentale. Si une personne avait eu un problème de santé physique, avait-il plaidé, elle aurait bénéficié du libre choix de son établissement de santé.

Or, la requérante du recours collectif, Mme Lyne Labelle, insatisfaite des services du psychiatre qui l'avait traitée à l'Hôpital Notre-Dame, avait demandé à être suivie en clinique externe de psychiatrie à l'Hôpital Jean-Talon, ce qui lui avait été refusé pour des motifs géographiques.

Mercredi, Me Courchesne, au nom de l'agence de la santé, a fait valoir que si l'hôpital a bel et bien refusé de traiter la patiente pour des motifs géographiques, il a contrevenu au protocole de l'agence. Car ce protocole est clair: «le refus d'accès à des soins pour des motifs géographiques est explicitement interdit», a affirmé l'avocate.

Me Courchesne a même précisé que comme la requérante, Mme Labelle, n'était plus suivie activement à l'Hôpital Notre-Dame depuis plus de six mois, elle aurait simplement dû être informée, en vertu du protocole, des avantages d'être traitée dans un établissement de son secteur et des inconvénients de ne pas être traitée par un hôpital de son secteur. Et si la requérante maintenait malgré tout sa demande, l'Hôpital Jean-Talon aurait dû accepter de la soigner.

L'accès aux soins est cependant limité par d'autres critères que le lieu de résidence, comme les ressources humaines et financières de l'établissement de santé, a rappelé Me Courchesne, citant la Loi sur la santé et les services sociaux.

Me Courchesne a ainsi mentionné qu'à l'époque où la requête de Mme Labelle a été refusée par l'Hôpital Jean-Talon, le délai d'attente pour ces services était de 210 jours, soit environ neuf mois.

L'avocate de l'agence de santé a finalement relevé des statistiques, démontrant un taux élevé de fréquentation des hôpitaux par les citoyens du secteur qu'ils desservent. Selon elle, cela prouve que la politique de sectorisation fonctionne et que s'il y a eu des cas de refus de soins pour motif géographique, «ce n'est certainement pas de façon systémique».