Les civils qui surveillent les activités du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) vont enquêter sur les méthodes employées par l'agence dans le dossier d'Omar Khadr.

Le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité (CSARS) a annoncé mercredi qu'il conduira une «révision en profondeur» des actions de l'agence afin de s'assurer, entre autres, qu'elle opère à l'intérieur des cadres de la loi. «Le Parlement et la population du Canada doivent savoir hors de tout doute que l'agence remplit son rôle et accomplit ses devoirs de façon appropriée et dans le respect de la loi, a déclaré dans un communiqué l'ancien premier ministre du Manitoba Gary Filmon, aujourd'hui à la tête du CSARS.

«Cette révision permettra d'éclaircir ces détails en rapport avec le dossier de M. Khadr», a ajouté M. Filmon.

Khadr, un citoyen canadien, est détenu à la base américaine de Guantanamo, à Cuba, depuis six ans. Il fait face à des accusations de meurtre et d'actes terroristes en rapport avec le décès d'un soldat américain en Afghanistan en 2002, alors qu'il était âgé de 15 ans.

Selon son avocat américain, le lieutenant-commandant William Kuebler, Khadr ne peut obtenir un procès juste et équitable devant le tribunal militaire qui doit instruire cette affaire. Cependant, le premier ministre Stephen Harper a toujours refusé d'intervenir et de demander le retour de Khadr au Canada.

Les avocats canadiens de Khadr, Nathan Whitling et Dennis Edney, tous deux d'Edmonton, ont admis avoir été surpris par l'annonce, mercredi. Par ailleurs, ils approuvent la tenue de cette révision et ont manifesté le souhait d'y jouer un rôle.

À tout le moins, a suggéré M. Edney, les deux avocats pourraient conseiller le comité sur les avenues à explorer.

Selon M. Edney, le comité devra déterminer «quelles directives le SCRS devrait respecter lorsque ses agents se rendent dans des prisons étrangères reconnues pour faire usage de la torture, ou lorsque l'on interroge des Canadiens à l'étranger sans leur consentir leurs droits fondamentaux.»

De son côté, M. Whitling aimerait occuper un rôle plus important que celui de conseiller, et présenter le cas de son client aux membres du comité. «Nous, ou à tout le moins des représentants de Omar Khadr, devrions tenir un rôle au sein de ce comité, a-t-il noté. Il n'y a pas de doute que ça le concerne au plus haut point.»

M. Whitling souhaite par ailleurs que la révision ne se limitera pas à la lecture de documents écrits parce que, a-t-il expliqué, les représentants du SCRS pourraient avoir oublié d'inclure des éléments cruciaux ou détruit certains de ces documents. Selon M. Whitling, le comité devra donc interviewer des gens très au fait des événements.

Steve Bittle, un conseiller principal au sein du comité de révision, a fait savoir qu'il était trop tôt pour déterminer comment cette enquête sera menée.

Habituellement, a-t-il précisé, le comité tient des rencontres en personne et mène des interviews, mais on ne s'est pas encore penché sur un rôle possible pour les avocats de Khadr.

Le comité travaille toujours à huis clos, pour des raisons de sécurité nationale. Il a cependant promis, mercredi, de dévoiler «le plus d'informations possible», une fois que l'enquête sera complétée le printemps prochain.

Mais M. Bittle n'a pu spécifier si un rapport spécifique serait produit sur l'affaire Khadr, ou si l'on se contenterait d'une mention dans le prochain rapport annuel que le comité doit soumettre au Parlement.

On sait que des officiers du SCRS ont interrogé Khadr à Guantanamo en 2003, et que des agents américains qui le détiennent l'ont privé de sommeil et employé des méthodes diverses pour lui arracher des aveux.

Les vidéos d'interrogatoires de Khadr, durant lesquels on peut voir le jeune Canadien pleurer et implorer la présence de sa mère, ont provoqué un tollé international en juillet.

Selon ses avocats, les dirigeants canadiens ont joué le rôle de complices dans la violation des droits de Khadr, autant en rapport avec les lois canadiennes que les lois internationales.