Le gouvernement Harper doit renoncer à ses coupes «sauvages» dans les subventions à la culture, ont clamé à l'unisson mercredi artistes et politiciens québécois réunis à Québec.

Sous un soleil radieux, les quelques centaines de manifestants rassemblés sur la Place Royale, au coeur de la vieille ville, ont dénoncé les compressions de près de 45 millions $ décrétées par Ottawa dans le financement des arts au pays. Ces dernières semaines, 15 programmes de soutien ont été remaniés ou éliminés.

Présente aux côtés des contestataires, la ministre québécoise de la Culture, Christine St-Pierre, a reproché au gouvernement fédéral d'appauvrir des créateurs dont les conditions de vie sont déjà fort modestes. L'immense majorité des artistes, soit 98 pour cent, ont un revenu de moins de 50 000 $ par année, a-t-elle illustré.

«Ce n'est pas vrai que (les artistes) sont des 'fat cats'. Ce n'est pas vrai que c'est de l'argent gaspillé. Ces gens-là ont besoin de ces montants (provenant des subventions)», a dit la ministre.

Il est clair, d'après Mme St-Pierre, que la question des coupes en culture figurera parmi les enjeux de la prochaine campagne électorale fédérale, dont l'amorce est imminente.

«C'est inévitable au Québec car c'est un dossier qui vient chercher les questions identitaires. La protection de la langue, cela va très loin. Et lorsqu'un gouvernement déclare que le Québec est une nation, bien avec le mot 'nation', vient aussi son épine dorsale qui est sa culture. C'est indissociable», a-t-elle analysé.

Pour sa part, le député libéral fédéral de Bourassa, Denis Coderre, a accusé le premier ministre Stephen Harper de se comporter de manière «sauvage» en voulant «censurer» la création culturelle d'un bout à l'autre du pays.

«C'est sectaire et idéologique. Harper n'aime pas la culture. La prochaine étape ce sera quoi? Les Grands Ballets canadiens parce qu'il n'aime pas voir des gens en tutu? Quel est le problème? Est-ce que les lettres c-u-l dans le mot 'culture» le fatiguent?», a lancé le coloré parlementaire fédéral.

Dans une lettre d'appui aux manifestants, le metteur en scène Robert Lepage a de son côté accusé M. Harper de céder aux pressions des éléments les plus «réactionnaires» de son parti. A son avis, les compressions fédérales en culture constituent ni plus ni moins qu'une «chasse aux artistes» et une «chasse aux idées».

«C'est une chasse morale et idéologique. À nous de rappeler au gouvernement Harper que nos gouvernants sont élus pour représenter l'ensemble d'une population et non les minorités extrémistes dont ils sont parfois issus», écrit le dramaturge, dont le texte a été lu sur la tribune par un représentant des artistes.

Parmi la brochette d'artistes de tous horizons qui se sont succédé au micro figurait la cinéaste indépendante Lise Bonenfant, de l'organisme Vidéo femmes. En sabrant dans l'aide aux organismes culturels, le gouvernement Harper s'en prend directement aux femmes, a-t-elle avancé.

Ces coupes vont contribuer à étouffer «la voix des femmes», a martelé la cinéaste en colère.

Pour Françoise David, codirigeante du parti Québec Solidaire, les compressions annoncées par le gouvernement fédéral n'ont rien d'étonnantes si l'on considère le parcours politique du chef conservateur.

«Stephen Harper est un homme de la mouvance réformiste du parti conservateur. Ces réformistes étaient des gens extrêmement conservateurs, la droite de la droite. Stephen Harper vient de là et son jupon dépasse», a-t-elle évalué, laissant entendre que le premier ministre du Canada, pour des raisons idéologiques, n'avait que faire de la promotion de la culture.