Quelque 360 habitants de la région de Trois-Rivières, se disant membres de la bande non reconnue des Algonquins de Metabenutin, veulent faire reconnaître leur identité autochtone en déposant dans les prochains jours une demande collective auprès du ministère des Affaires indiennes. Si la procédure réussit, elle pourrait créer un précédent.

« On a toujours vécu selon les traditions ancestrales, alors pour nous, c'est important d'être reconnu comme tel », dit Claude Hubert. Depuis une dizaine d'années, cet homme a retracé la vie de 17 000 ancêtres des membres de la communauté de la Petite Mission de Yamachiche, à l'ouest de Trois-Rivières. Son objectif : faire reconnaître leur identité amérindienne.

Selon les travaux de quelques universitaires, cette communauté est la survivance d'une bande algonquine qui a commencé à se sédentariser au milieu du XVIIe siècle, mais qui n'a jamais été reconnue officiellement.

Appelée la Petite Mission, cette communauté a appris à vivre selon les traditions. Et bien que la langue algonquine ait été peu à peu oubliée, le sentiment d'appartenance à la communauté indienne a, lui, perduré. Si bien que, depuis 25 ans, des membres de la Petite Mission ont entrepris des démarches auprès du ministère des Affaires indiennes et du Nord (MAFIN) afin d'être reconnus en tant qu'Algonquins. En vain.

Chaque fois, les requérants se sont fait demander le numéro de bande de leurs parents. Un numéro qu'ils ne possèdent pas, vu que leurs aïeux avaient disparu de l'écran radar.

Or, leur avocat Philippe Larochelle pense que la Loi ne conditionne pas l'obtention du statut à la présentation d'un tel numéro. C'est ce qu'il va plaider au registrariat du MAFIN, auquel il va remettre, à la fin de la semaine, les requêtes de 359 personnes.

Me Larochelle soutient que la Loi sur les Indiens de 1868 considère comme indiennes les personnes ayant du « sang » autochtone ou étant « réputées » comme membres d'une tribu, ainsi que leur descendance.

Citant des articles de diverses lois indiennes, l'avocat conclut que si une personne démontre que ses aïeux étaient couverts par la loi de 1868, sans qu'ils aient pour autant demandé le statut d'Indien, cela fait d'elle une autochtone au sens juridique.

Des spécialistes du droit autochtone doutent toutefois que le ministère des Affaires indiennes satisfasse la demande de Me Larochelle : cela pourrait inciter des dizaines de personnes à faire de même.

« Si on tente de réclamer le statut d'Indien parce qu'on a des ancêtres éloignés, autres que ses parents immédiats ou ses grands-parents, je crois qu'on va à l'encontre de l'intention de la loi, qui est quand même de limiter le nombre de titulaires du statut d'Indien », remarque Jean Leclair, professeur de droit à l'Université de Montréal.

Selon son collègue de l'Université d'Ottawa, Sébastien Grammond, c'est en portant la cause devant les tribunaux, en appel, que les membres de la Petite Mission pourraient obtenir gain de cause. « Les lois et les politiques du gouvernement fédéral laissent de côté des groupes qui ne sont pas moins autochtones que ceux qui ont le statut. Ce sont les cas comme celui des Algonquins de Trois-Rivières qui vont permettre de faire avancer la jurisprudence et permettre, je l'espère, d'établir un précédent », conclut M. Grammond.