Les jeux électoraux sont faits. Les Canadiens iront aux urnes le mardi 14 octobre. Il s'agira du troisième scrutin fédéral en un peu plus de quatre ans.

Le premier ministre Stephen Harper et le chef du Parti libéral, Stéphane Dion, n'ont pu trouver hier un terrain d'entente qui aurait permis d'arrêter la machine électorale qui s'est mise en branle il y a plusieurs jours déjà.

La rencontre entre les deux leaders, qui a eu lieu en fin d'après-midi au 24, promenade Sussex, la résidence officielle du premier ministre, a été brève. Il n'a en effet fallu qu'une quinzaine de minutes pour que Stephen Harper se fasse confirmer que son gouvernement était condamné cet automne et pour que Stéphane Dion puisse constater que le premier ministre brûle d'envie de déclencher des élections générales.

Ayant acquis la conviction que son gouvernement minoritaire ne pourra plus naviguer dans les eaux troubles de la Chambre des communes sans heurter un iceberg, Stephen Harper se rendra donc à la résidence de la gouverneure générale, Michaëlle Jean, le dimanche 7 septembre, pour lui demander de dissoudre le Parlement et déclencher des élections.

La loi électorale prévoit qu'une campagne dure au moins 36 jours et que le scrutin ait lieu un lundi. Mais comme le 13 octobre est un jour férié (Action de grâces), le scrutin aura lieu le lendemain.

Le déclenchement d'élections générales annulera les élections partielles qui devaient avoir lieu le 8 septembre dans trois circonscriptions, soit Saint-Lambert et Westmount–Ville-Marie, au Québec, et Guelph, en Ontario. Une quatrième élection partielle devait aussi avoir lieu le 22 septembre dans Don Valley Ouest, dans la région de Toronto.

Le premier ministre s'était donné comme objectif au départ de rencontrer les chefs des trois partis de l'opposition avant de décider s'il était justifié de reprendre les travaux parlementaires le 15 septembre ou de déclencher des élections. M. Harper a rencontré le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe , vendredi et le chef du NPD, Jack Layton, samedi. MM. Duceppe et Layton ont conclu de leur rencontre respective que M. Harper tenait à tout prix à déclencher des élections, même s'il a fait adopter une loi qui prévoit des élections à date fixe, tous les quatre ans, et stipule que le prochain scrutin doit avoir lieu le troisième lundi d'octobre 2009.

Durant sa rencontre avec le chef libéral, Stephen Harper est allé droit au but, après les politesses habituelles, en demandant à M. Dion s'il était prêt à appuyer le gouvernement minoritaire conservateur jusqu'en octobre 2009.

M. Dion a refusé net de lui donner cette assurance. «Il voulait un chèque en blanc. Ça ne marche pas comme ça dans un gouvernement minoritaire», a affirmé à La Presse un stratège libéral sous le couvert de l'anonymat.

Selon nos informations, M. Harper a ensuite indiqué à son invité libéral qu'il considérait «fortement» de déclencher des élections «sous peu».

M. Dion a ensuite profité de l'occasion pour fustiger le premier ministre de vouloir ainsi aller à l'encontre de l'esprit et de la lettre de la loi sur les élections à date fixe.

«J'ai dit au premier ministre en pleine face qu'il ne peut déclencher des élections puisque cela donnerait un très mauvais exemple aux Canadiens. Le premier ministre ne peut violer une loi que son propre gouvernement a fait adopter sur les élections à date fixe», a affirmé M. Dion au cours d'un point de presse après la rencontre.

Il a ensuite confirmé qu'il avait refusé de donner quelque garantie que ce soit au premier ministre que son parti était prêt à appuyer le gouvernement conservateur à l'occasion des prochains votes de confiance.

«Est-ce que le Parlement fonctionne? La réponse est oui. Est-ce que le gouvernement a la certitude de survivre jusqu'en octobre 2009? La réponse est non et la réponse était aussi non il y a deux ans», dit M. Dion.

Le chef libéral, qui a qualifié les rencontres entre M. Harper et les chefs des trois partis de «charade», a affirmé qu'il compte bien faire de la question de confiance un des thèmes importants de la prochaine campagne électorale.

«Peut-on faire confiance à un premier ministre qui déclenche des élections tout en ne respectant pas sa propre loi? Ce sera certainement un enjeu. Mais la façon aussi qu'il gère l'économie sera un enjeu important», a dit M. Dion avant de s'envoler vers Winnipeg où il participera à un caucus de trois jours des députés libéraux.

Le directeur des communications de M. Harper, Kory Teneycke, a répliqué aux critiques de M. Dion en affirmant que le chef libéral avait démontré hors de tout doute que le gouvernement Harper ne pouvait obtenir l'appui de l'opposition officielle pour continuer à diriger le pays. Des élections sont donc nécessaires, a-t-il laissé entendre.

«Il est impossible de trouver un terrain d'entente (...) De toute façon, les partis de l'opposition veulent des élections», a dit M. Teneycke, faisait ainsi allusion à la décision du Bloc québécois de déposer une motion de censure aux Communes à la première occasion et aux nombreuses menaces des libéraux, qui sont restées sans suite jusqu'ici de renverser le gouvernement.

Plus tard en soirée, les stratèges conservateurs ont fait circuler les nombreuses menaces de faire tomber le gouvernement Harper formulées par Stéphane Dion au cours des 12 derniers mois comme preuve que le chef libéral tient aussi à avoir des élections.