Dix mois à peine après avoir été battus par les forces de l'OTAN au cours d'une importante bataille en 2006, à l'ouest de Kandahar, les militants talibans auraient constitué une formation de combat comprenant jusqu'à 600 individus et seraient plus lourdement armés que jamais, révèlent des documents de la Défense canadienne.

Ces documents, fortement censurés, remis à La Presse Canadienne en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, fournissent un aperçu de l'état de la rébellion et des énormes obstacles qu'affrontent les forces de sécurité afghanes et leurs entraîneurs canadiens dans leur bataille pour conserver leurs territoires.

Il a beaucoup été question de l'envergure et de la complexité de l'embuscade au cours de laquelle 10 militaires français ont péri, mardi, dans l'est de l'Afghanistan. Mais ces documents, retenus pendant des mois par le ministère canadien de la Défense, semblent indiquer que depuis longtemps, les commandants talibans accumulent une précieuse expérience de combat à Kandahar, en envoyant leurs unités s'exercer sur les forces de police locales, insuffisamment armées et mal entraînées, et les forces de sécurité afghanes formées par les Canadiens.

Pas moins de 100 insurgés ont pris part à l'attaque de mardi contre une patrouille de reconnaissance française et américaine dans le district de Sarobi.

Mais des rapports quotidiens montrent que les forces afghanes et les Canadiens qui les entraînent rencontraient des formations de talibans comptant entre 200 et 600 combattants en juin 2007. «Les talibans se renforcent, sans que cela paraisse», indiquait un rapport daté du même mois.

Dans ce qu'on peut aujourd'hui qualifier de répétitions en vue d'attaques contre les troupes de l'OTAN, les talibans faisaient sauter des postes avancés et des points de contrôle à l'aide de fusils d'assaut AK-47 et de grenades propulsées par des fusées. Ils avaient même déployé des canons sans recul de 82 mm capables de perforer les blindages. Ils s'efforçaient, autant que possible, d'éviter les frappes aériennes de l'OTAN et les affrontements directs avec les troupes canadiennes.

Le général canadien à la retraite Lewis MacKenzie s'est dit renversé de constater, à partir de ces rapports, la vitesse à laquelle les talibans ont pu se réorganiser et regrouper l'équivalent d'un bataillon complet - malgré la perte d'environ 800 combattants il y a à peine quelques mois, durant l'Opération Méduse.

Cela risque de perturber plusieurs personnes, a-t-il prédit en entrevue. La population canadienne a été conditionnée à voir cette guerre comme une affaire d'engins artisanaux et de mines, mais nous allons devoir reconnaître qu'ils ont haussé le niveau et qu'ils sont à nouveau en mesure de lancer des attaques conventionnelles, a-t-il ajouté.