Le SPVM ne pourra utiliser les images captées par les photographes de La Presse et des autres médias dans son enquête sur l'émeute qui a suivi un match du Canadien en avril. Dans un jugement rendu cette semaine, la Cour supérieure tranche en faveur de La Presse. Elle blâme aussi les enquêteurs pour avoir obtenu des mandats de perquisition au milieu de la nuit auprès d'un juge de Val-d'Or.

«Ce jugement rappelle aux différents services de police que la perquisition à l'endroit d'un média constitue une procédure exceptionnelle soumise à des règles strictes, indique le vice-président à l'information et éditeur adjoint de La Presse, Philippe Cantin. Les policiers ne doivent l'utiliser qu'en dernier recours.

«Ils doivent aussi se rappeler le rôle essentiel des médias dans la société, ajoute-t-il. Une perquisition policière brime notre liberté d'informer, car elle sème le doute sur notre indépendance chez les personnes interviewées, photographiées ou filmées. Ces gens se demandent ensuite si notre travail servira à alimenter l'enquête policière.»

Le soir du 21 avril, le Canadien de Montréal a remporté le septième et ultime match qui l'opposait aux Bruins de Boston. Dans les minutes qui ont suivi la victoire, des milliers de fêtards ont envahi les rues du centre-ville. Des pillards ont alors attaqué des partisans des Bruins, fracassé des vitrines et incendié des voitures de police.

Quelques heures plus tard, des représentants du SPVM ont avisé différents médias montréalais qu'ils saisiraient photos et bandes vidéo de l'émeute afin de faciliter l'identification des malfaiteurs. Le lendemain matin, des enquêteurs ont perquisitionné à La Presse, à The Gazette et au Journal de Montréal ainsi qu'à CBC, TVA, Radio-Canada et CTV pour mettre la main sur les documents visuels.

Le juge critiqué

Les médias ont immédiatement contesté la perquisition devant la Cour supérieure. Quatre mois plus tard, le juge Fraser Martin leur donne raison sur toute la ligne. Il ordonne au SPVM de rendre le matériel saisi. Tous les journaux et stations de télévision se verront donc remettre les films qui leur ont été confisqués. Seuls La Presse et The Gazette n'avaient pas remis les documents aux policiers.

Dans sa décision, le magistrat critique le juge de paix Jacques Bardés, qui a délivré les mandats de perquisition quelques minutes à peine après avoir reçu la demande du SPVM. Les enquêteurs lui ont faxé un document de 73 pages à minuit et demi.

«Considérant les exigences de la jurisprudence, il est surprenant que tous les mandats aient été délivrés en moins d'une demi-heure, et qu'aucune question n'ait été adressée (aux enquêteurs).»

Le juge blâme aussi les policiers et affirme que rien ne justifiait cette requête formulée en plein milieu de la nuit. Les enquêteurs auraient simplement pu attendre au lendemain matin pour s'adresser au tribunal à Montréal.

Le SPVM, écrit le juge, a annoncé aux représentants des médias que «la cavalerie arriverait en matinée».

«Je me demande donc pourquoi il était si urgent d'obtenir un télémandat pendant la soirée, poursuit-il. À mon point de vue, il n'y avait aucune raison.»

Le SPVM n'a pas commenté le jugement.