Désigné comme le grand manitou d'un vaste système offshore de blanchiment d'argent, l'avocat déchu Pierre Boivin vient d'obtenir son transfert dans une maison de transition après avoir purgé le sixième d'une peine de 42 mois qui lui a été infligée le 27 février dernier.

Comme il ne s'agit pas d'un crime violent et que Boivin en est à sa première incarcération dans une prison fédérale, la commissaire Marie-Claude Frenette n'a pu faire autrement que de le mettre en liberté. Comme le permet la procédure d'examen expéditif (PEE), la décision a été rendue «sur dossier», sans que Boivin ne soit interrogé par la Commission nationale des libérations conditionnelles (CNLC).

À l'aide d'autres professionnels, dont un notaire, l'ex-avocat de Laval avait enregistré dans des paradis fiscaux une constellation d'entreprises qui ont permis au prolifique trafiquant de marijuana Henri Bertrand de blanchir des millions de dollars, entre 1994 et 2000. Boivin a continué son manège après l'arrestation de son client, en 1999. Se sentant traqué par la GRC, il a même tenté de détruire des documents compromettants, indique la CNLC. Cette enquête pour blanchiment d'argent, l'une des plus complexes dans les annales canadiennes, a duré presque quatre ans.

Boivin a dû démissionner du Barreau en 2004. Âgé de 60 ans, il entend prendre sa retraite dans un proche avenir. Entre-temps, il prévoit reprendre ses activités dans le domaine de la gestion fiscale. Durant sa libération conditionnelle, il lui est interdit de fréquenter des personnes déjà condamnées ou liées au milieu interlope. La CNLC s'attend à ce qu'il fasse preuve de «transparence et de franchise» durant sa libération conditionnelle. Il restera au moins six mois en maison de transition.

Le caïd Albert Thibault libéré

Dans une décision dite partagée, la CNLC vient par ailleurs d'accorder sa pleine liberté au caïd Albert Thibault, emprisonné depuis un peu plus de cinq ans pour un complot d'importation de six tonnes de cocaïne mis au jour à la fin des années 80. Au moment de son arrestation en 2002, il y avait plus de 10 ans que Thibault échappait à la police. En décembre de la même année, après entente avec le ministère public, il a écopé d'une sentence de 10 ans de pénitencier.

Fait rare à la CNLC, l'un des trois commissaires appelés à se pencher sur le dossier n'était pas d'accord avec la libération de Thibault. Compte tenu du lourd passé judiciaire du caïd, le commissaire Denis Couillard estimait plus prudent de prolonger son séjour dans la maison de transition où il était gardé depuis six mois. À l'en croire, Thibault reste un bandit dans l'âme.

Ses collègues Pierre Cadieux et Marie-Andrée Drouin ont plutôt décidé de faire confiance à Thibault, estimant que l'âge a fait son oeuvre et que «vos années en cavale vous ont aidé à changer et à vouloir cesser votre implication dans la criminalité». De leur point de vue, le sexagénaire est «saturé de la vie délinquante».