Un peu partout à Montréal, de plus en plus de citoyens écoeurés par la malpropreté décident de reverdir leur quartier. Ils sèment des plantes et des fleurs dans chaque parcelle de terre publique disponible. Au pied des arbres, sur certains trottoirs, on retrouve désormais de véritables petits jardins.

La directrice de l'Éco-quartier Jeanne-Mance, Valérie Koporek, est impressionnée par le nombre de citoyens qui prennent l'initiative de reverdir les espaces publics. Sans connaître le nombre précis d'aménagements floraux sur les trottoirs de la ville, elle constate qu'il y a un grand engouement cet été.

«Habituellement, l'Éco-quartier reçoit beaucoup d'appels de citoyens pour se plaindre de problèmes de propreté. Cette année, les gens nous appellent pour qu'on les aide à réaménager leur quartier.»

Trixi Rittenhouse est l'une de ces jardinières urbaines. Il n'y a pas un centimètre de sa cour arrière qui n'est pas fleuri. Le feuillage recouvre le sol, les plantes grimpent sur les clôtures, les pots à fleurs débordent. Comme l'espace manque dans son jardin du Plateau, la dame étend sa passion sur les trottoirs de Montréal en plantant des fleurs au pied des arbres.

La passionnée de botanique a commencé par décorer 10 espaces publics de la rue Labadie, il y a cinq ans. Son initiative a pris de l'ampleur. Des citoyens des rues adjacentes se sont joints au mouvement et profitent aussi des carrés de terre pour aménager les bordures de chaussées.

Peu à peu, en voyant que la rue était fleurie, les voisins se sont mis à passer le balai sur le trottoir. Devant autant de soins, les passants ont commencé à porter une attention particulière à la propreté.

La Ville de Montréal apprécie ce mouvement de revitalisation des quartiers. «Si ces citoyens prennent la peine d'embellir leurs espaces en plantant des fleurs, il y a fort à parier qu'ils vont aussi veiller à tenir leur environnement propre», affirme Renée Pageau, porte-parole de la Ville.

Paysagiste, Mme Rittenhouse a l'habitude de prendre soin des plantes. À 3 ans, elle a eu un coup de foudre lorsque son père l'a amenée dans une pépinière. L'entretien des trottoirs n'a donc rien d'une corvée pour elle. Au printemps, elle enlève tout le gravier accumulé dans les carrés de terre. Une fois les fleurs plantées, elle fait une tournée de temps à autre pour arroser.

Vêtue d'un chandail imprimé du mot «Kyoto», Mme Rittenhouse affirme porter un grand respect à l'environnement. Elle garde un goût amer de l'hiver dernier et en veut aux travailleurs de la Ville de Montréal qui ont blessé les 13 arbres de sa petite rue. «Lors de l'opération de déneigement après la dernière tempête, tous nos arbres, sans exception, ont été blessés inutilement par les grattes», déplore-t-elle. Pour les citoyens du quartier, les arbres d'une quinzaine d'années sont essentiels pour rafraîchir la rue et les maisons.

Pour survivre aux intempéries, aux déneigeurs, aux chiens et aux voitures, Mme Rittenhouse a appris à semer des plantes plus résistantes. Les hémérocalles, l'herbe aux goutteux et les hostas fleurissent dorénavant ici et là sur le Plateau.

L'action de Mme Rittenhouse est inspirée d'un mouvement né à Londres, la «guérilla jardinière». Durant la nuit, des activistes pacifiques s'approprient un espace public de la capitale anglaise. Ils nettoient et font pousser des légumes, des plantes et des fleurs.

Mme Rittenhouse, elle, pose son geste en plein jour. Elle tente de respecter l'harmonie des lieux où elle sème. «J'essaie toujours d'agencer les fleurs que je plante avec ce qui existe déjà sur les devantures des maisons.»

Le passe-temps de Mme Rittenhouse lui coûte une centaine de dollars en achat de compost et de fleurs. Elle reçoit aussi beaucoup de dons de la part de clients chez qui elle effectue des aménagements paysagers. «J'ai un client qui était tanné de ses hostas. Il me les a tous donnés et j'ai pu les replanter sur ma rue», raconte-t-elle.

En plus de donner envie à d'autres citoyens de suivre le mouvement, Mme Rittenhouse souhaite trouver de nouveaux espaces à revitaliser. Son rêve: fleurir un immense terrain vacant. Elle ne devrait pas manquer de boulot à Montréal.