L'entrée en vigueur de l'interdiction de fumer en prison ne se fait pas sans heurts au Québec. Depuis près d'une semaine, les détenus des pénitenciers fédéraux de Cowansville et de Drummondville refusent de travailler pour protester contre ce règlement.

Dans les prisons provinciales, ce sont les agents correctionnels qui protestent en fermant les yeux sur les infractions liées à la cigarette. Résultat: les détenus fument toujours à l'intérieur des murs.

Le 2 juillet, les détenus de Cowansville ont refusé de retourner travailler dans leurs ateliers de formation après le dîner. Ils ont manifesté pacifiquement dans la cour extérieure. Ils ont mis six heures à réintégrer leurs cellules. Le même jour, à Drummondville, les détenus ont manifesté toute la soirée, avant de réintégrer leur cellule peu après minuit.

Depuis ces manifestations, la direction des deux établissements à sécurité moyenne confine les détenus en cellule ou dans leur pavillon. Les ateliers de travail sont fermés. Et ce, jusqu'à ce qu'un groupe de gestion et des représentants des détenus trouvent une solution.

Hier, les deux prisons fonctionnaient toujours «en mode restreint», a expliqué la porte-parole de Service correctionnel Canada (SCC), Brigitte Gosselin. Le climat est «calme», a-t-elle précisé. Des détenus ont été transférés dans d'autres pénitenciers. Dans une troisième prison fédérale québécoise, Archambault, un «mouvement de solidarité» de détenus a aussi été réprimé le 4 juillet.

Ce sont les premières manifestations dans des pénitenciers fédéraux depuis l'entrée en vigueur de l'interdiction totale de fumer tant à l'intérieur que dans les cours extérieures, le 5 mai dernier, selon Mme Gosselin, du SCC.

Les détenus protestent sur plusieurs fronts. Ils ont embauché le juriste Julius Grey pour contester l'interdiction en cour fédérale. M. Grey va notamment plaider la discrimination. Dans certains établissements fédéraux, les agents correctionnels fument toujours dans les cours extérieures, a fait valoir M. Grey. L'avocat n'est pas surpris des récentes manifestations. «Je comprends leur frustration envers cette prohibition excessive. Aucune étude scientifique ne démontre qu'une personne qui fume à l'extérieur représente un danger pour la santé des autres», a dit le juriste.

D'autres «chats à fouetter»

Du côté provincial, la problématique est différente. Les agents correctionnels veulent un règlement aussi sévère qu'au fédéral. Depuis février, les détenus dans les prisons provinciales ne peuvent plus fumer à l'intérieur des murs, mais ils peuvent encore le faire dans la cour extérieure. Dans les 18 prisons provinciales, les détenus purgent des peines de moins de deux ans.

«Tout le monde fume en ce moment en prison. Tu ne peux pas dire à un détenu: tantôt tu as le droit, tantôt tu n'as pas le droit», a affirmé Stéphane Lemaire, président du Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec.

Les agents correctionnels ont d'autres chats à fouetter que de jouer à la «police du tabac», selon le Syndicat. «On ne cherche pas de cigarettes. Quand on a 185 détenus dans un secteur de Bordeaux et seulement 6 agents, on s'occupe de la drogue et de la violence», a ajouté M. Lemaire.

De son côté, le ministère de la Sécurité publique du Québec nie que ses agents correctionnels ferment les yeux sur la cigarette. «À l'intérieur, les agents doivent faire respecter les lois», a dit le porte-parole du Ministère, Mario Vaillancourt.

Le Syndicat dénonce depuis des années les problèmes liés à la surpopulation dans les établissements de détention. À titre d'exemple, le centre de détention Rivière-des-Prairies, d'une capacité de 542 places, avait 73 détenus en trop dimanche; celui de Bordeaux, d'une capacité de 1189 places, en avait 64 en trop, selon des statistiques obtenues par La Presse. Ces détenus dorment entassés dans des salles communes sur des matelas par terre. Dans son rapport annuel, la protectrice du citoyen a relevé des problèmes de manque de personnel et d'insalubrité dans les prisons québécoises depuis deux ans.